Ils étaient nombreux à fermer les yeux et à se laisser effleurer l’âme aux premières notes captivantes de cet instrument au corps à la forme d’une poire, au manche court et dépourvu de frettes.
Ceux qui gardaient les yeux ouverts, c’était certainement pour admirer la revanche artistique d’une jeune femme qui manie et fait parler un instrument longtemps réservé aux hommes.
Nadine Altounji a brisé tous les codes en transposant des notes au son profondément oriental et persique sur des mélodies tantôt folk ou pop, tantôt jazz ou cumbia péruvienne.
Mais cela tient à un trait de caractère : l’engagement. L’autrice-compositrice-interprète et multi-instrumentiste (piano-guitare, oud) a la sensibilité des enjeux de son époque. Elle chante autant pour «les enfants qui sont pris au milieu des guerres dans le monde» que pour «les femmes qui se battent pour leurs conditions à travers le monde».
«C’est la première fois que je sonorise un instrument oud. J’ai trouvé cela très plaisant. J’entendais des fréquences et on dirait que cela donnait des caresses», indique l’ingénieur de son de la série Au Bistro des découvertes, Jacques Grylls.
Retour à ses racines
Nadine Altounji joue depuis l’âge de 10 ans le piano classique. Elle a appris la guitare au Cégep Vanier, à Montréal. Elle a suivi ensuite un baccalauréat en guitare jazz à l’Université Concordia. Le oud, elle en joue depuis cinq ans.
«Je suis née à Montréal, mais mes parents viennent de Syrie. Ces dernières années, je vis un retour aux racines. Mon arrière-grand-père paternel, Rizkallah Altounji, jouait du oud et animait des soirées à Alep. C’est mon père Michel Altounji qui me l’a fait savoir. Lui aussi joue du piano», confie-t-elle.
Nadine Altounji avait participé, entre 2018 et 2019, à une retraite de musique arabe au Massachusetts, aux États-Unis. «J’ai croisé plusieurs femmes oudistes, du Liban et du Yémen notamment. J’étais impressionnée. Elles jouent super bien», témoigne-t-elle.
Lorsque la Slague a sollicité Cécile Doo-Kingue pour présenter une artiste méconnue du public sudburois, celle-ci dit ne pas avoir hésité une seconde.
«Pour moi, c’était clair que c’est Nadine Altounji. C’est une artiste que tout le monde devrait connaitre. Même pour ce qui est de la guitare, elle joue des solos et explore des techniques de jeu qui sont plus répandues chez les hommes. Ses textes engagés ont conforté ce choix», souligne-t-elle.
«Envoutante»
Rose-Lyne D’Aoust Messier a trouvé l’artiste envoutante. «Aux premières notes de son du oud, je me sentais transportée dans un autre univers. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est qu’elle a chanté dans différentes langues, que ce soit en français, en anglais, en arabe ou en espagnol. Elle était vraie et authentique. Sa musique et ses paroles collaient à des réalités spécifiques.»
Peu avant la covid, Nadine Altounji avait rendu visite à sa sœur Miriam Altounji, installée au Pérou. C’était l’occasion pour elle d’explorer la musique sud-américaine.
Elle a embarqué, entre temps, dans d’autres voyages en Équateur. Et comme le oud la rattrapait déjà au fil de sa généalogie, elle a su joindre l’exotisme à l’ancestral. Avec tout ce que Montréal offre comme perspectives multiculturalistes, il n’était pas difficile pour l’artiste de joindre d’autres cordes à son luth oriental.
La fibre africaine était représentée par Assane Seck. Un surprenant guitariste d’origine sénégalaise, à mi-chemin entre Jimi Mbaye et Robert Johnson. Il joue avec elle depuis six mois.
«Son guitariste était phénoménal. Il y avait une synergie entre les deux qui se manifestait jusque dans les sourires partagés. Il y avait de la connivence», renchérit Rose-Lyne D’Aoust Messier.
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Nadine Altounji avec son oud et son guitariste Assane Seck