Pendant la causerie animée par Chloé Thériault, le mercredi 10 avril, j’apprends que l’auteur pratique le théâtre corporel et qu’il est directeur artistique et général de Satellite Théâtre, situé au creux de la baie de Fundy, dans la ville de Moncton.
Marc-André Charron partage son processus de création. En discutant avec lui, le terme Road Trip attire mon attention. Il explique que dans le monde du théâtre, les gens sont continuellement en tournée pendant des jours, voire des mois. Dès qu’il a obtenu son permis de conduire, alors qu’il était encore adolescent, il est devenu passionné par les voyages sur la route. Son périple lors de ses études en Europe fut constamment imprégné d’histoires. À chaque coin de rue, émergeaient des endroits tels que le Colisée romain, témoignant de 2000 ans d’histoire. Les voyages en voiture se font régulièrement avec sa famille, visitant leurs parents à Montréal, un trajet de plus de dix heures, deux à trois fois par an.
Sur la route, avec ma fille!
La pandémie lui a donné l’opportunité de faire de nombreux Road Trip avec sa fille, vivant ainsi pleinement dans le moment présent. La pandémie lui a également offert l’occasion parfaite d’écrire ses pensées, ses émotions et ses idées, tandis que sa conjointe continuait de travailler. L’itinéraire suivi les mène à explorer la nature, l’Atlantique, les parcs nationaux, la Baie de Fundy, les cavernes et de petites attractions telles l’aquarium de St. Stephen au Nouveau Brunswick. Il ajoute que ces voyages dans le temps, aux côtés de ceux qui nous ont précédés à travers l’histoire et la géographie, nous poussent à aspirer davantage, à nous décentrer, à penser aux générations passées et futures.
Ce côté kitsch qu’il décrit comme étant tranquille, sans prétention, rafistolé, vintage, leur permet de découvrir une facette de l’Atlantique qui semble figée dans le temps. Il se sent en phase avec les gens qui l’ont précédé, un voyage dans le temps qui le met en connexion avec son enfant et l’enfant qu’il fut un jour, les transportant dans un espace commun, où les objets témoignent d’une histoire datant de plus de 400 ans. Ils réussissent à s’émerveiller ensemble, à discuter, à transcender le temps.
Prendre le temps…
Ces voyages en voiture lui ont permis de passer d’une obsession, à savoir l’enfant qu’il n’est plus, à une occasion de ne pas oublier de s’occuper de celle qui était là, d’être présent auprès de sa fille de six ans. Dans l’ombre de la perte, il fait le deuil d’un être qu’il n’a jamais vu. Il va à contrecourant en partageant qu’il «reproche le manque de sensibilité attribué aux hommes, une pensée nuisible pour l’humanité», selon lui.
Ces voyages lui ont permis aussi de faire son deuil, de comprendre que ce petit être dont il a rêvé pendant des semaines continue de l’habiter. Cela lui permet de se réconcilier, de se rapprocher de la mère, des femmes qui ont la même cicatrice. Comme dans un livre, même si on efface les marques du crayon, il reste toujours une petite trace. Par son projet d’écriture, il souhaite inspirer d’autres à ralentir la cadence, à prendre le temps de découvrir en eux-mêmes ce qui traine.
Une rencontre avec un humain tendant la main et se montrant vulnérable s’avère assez rare. Il y avait comme une tension émotionnelle et j’ai été émue. En soirée, le barrage a cédé. Je me suis mise à pleurer. J’ai découvert l’humanité de l’œuvre dans l’auteur avant de lire Hippocampe. J’ai compris le choix du titre : l’hippocampe est le seul animal où c’est le mâle qui porte les bébés, et il continue à porter cet enfant dans son cœur. En tant que parents, nous avons le devoir de transmission, celui de transmettre le meilleur de soi : le goût d’apprendre, le goût de vivre, le goût de l’émerveillement, bref, d’être attentif, d’être présent pour soi et pour l’autre. Qu’est-ce que nous leur transmettons véritablement ?