Avant de présenter le livre ELLES, l’animatrice de la discussion, Elsie Miclisse, et l’écrivaine Pier Courville ont jugé nécessaire de donner un aperçu sur la place de la femme, l’abstention des témoins d’harcèlement à intervenir et la communication homme-femme.
Pour amorcer la discussion, l’animatrice s’appuie sur une scène d’attouchement qui se déroule dans le «fin fond de l’autobus». Elle met l’accent sur le choix de ces femmes qui, intentionnellement, se mettent à l’écart pour esquiver une pression masculine intenable. En effet, l’écrivaine confirme que le choix de l’emplacement de cette dixième mise en scène n’est pas anodin. Son sourire, en répondant à la question d’Elsie Miclisse, indique que son allégorie a fini par frapper l’esprit de ses lecteurs. Véritablement, les femmes cèdent leur place pour se protéger contre toutes les formes de violence que leur infligent les hommes.
Elsie Mclisse avance dans la discussion et questionne l’écrivaine sur la place des témoins d’un acte de harcèlement. L’écrivaine déplore une dilution de responsabilité vis-à-vis de l’autre. Elle attire l’attention sur le rôle important des témoins. Pier Courville rappelle que l’inaction participe au maintien de ces agissements et qu’il est du devoir de tous d’agir afin d’éradiquer la violence, l’intimidation et le harcèlement.
La perte symbolique de sa place dans le bus invite Pier Courville à s’interroger sur le rapport homme-femme et sur la qualité de la communication entre les deux. Bien que la perception de la communication soit différente selon le genre, l’écrivaine encourage à en faire une composante de la vie conjugale.
Une douleur voilée!
ELLES, ce sont des victimes d’un prédateur errant. ELLES, ce sont également celles qui sont assujetties aux diktats de la bienséance. Pier Courville crache des scènes de microagression et d’harcèlement dans les espaces public et privé. «ELLES» ne sont guère à l’abri de la libido de la gent masculine. L’écrivaine confirme que le péril pour «ELLES» semble omniprésent.
Dans son recueil de 46 récits, Pier Courville présente des mises en scène d’un corps féminin réduit en un simple objet de convoitise. Elle brosse des microagressions et les classe à travers les diverses parties du corps. Elle use de sa plume pour raconter une violence que la majorité des victimes n’osent pas confier. L’écrivaine aborde, aussi, la problématique du rapport au corps et évoque les diverses injonctions esthétiques auxquelles le corps féminin est soumis. La description de la routine de ces femmes, obnubilées par leur poids, reflète l’intensité de la charge mentale qu’elles s’y infligent.
Quoique le recueil réunit des récits d’organes violés, il unit une douleur voilée.
Violence et injonctions
Au Bistro de la Place des Arts, Pier Courville a rencontré un public majoritairement féminin. Elle a offert à l’assistance une lecture dérangeante, mais nécessaire afin d’oser dénoncer la violence et les injonctions physiques à l’endroit des femmes et des jeunes filles.
L’écrivaine a fait la sélection de trois chapitres qu’elle a lus à son audience. Avec une voix saisissante, elle a raconté des scènes autour des chapitres Sa cuisse, Sa joue et Son poids. Le choix de Pier Courville avait, comme le suggérait le thème de la rencontre, quelque chose de «dérangeant». La description des scènes d’attouchements était tellement minutieuse que l’aversion se lisait sur les visages du public. Le récit sur le rapport au corps féminin faisait aussi parfois répandre des rires de personnes se reconnaissant dans le récit.
Bien qu’elle se soit sentie plus libre d’explorer des tabous et des douleurs enfouies, Pier Courville avoue déverser sa «rage» tout au long du processus d’assemblage des fragments des récits de vices et de sévices.
Comment prévenir ?
Selon Pier Courville, quand nous évoquons la question de la violence à l’endroit des femmes et des jeunes filles, nous pensons, généralement, à l’éducation et à la sensibilisation des hommes et des jeunes garçons pour abolir les diverses formes de violence. En revanche, l’écrivaine profite du lancement de son livre pour condamner le silence des femmes. Elle se prononce contre le sentiment de honte qu’habite les victimes d’harcèlement sexuel et stigmatise le silence que la société leur impose.
L’écrivaine encourage les femmes à dénoncer leur agresseur et à se rebeller contre les conventions sociales qui les réduisent au silence. Pier Courville invite les femmes à se réconcilier avec leur propre corps et à s’émanciper du modèle du corps parfait.
La présentation du livre ELLES s’est terminée par une question du public : «à partir de quel âge votre livre peut être lu?». Pier Courville recommande une lecture à partir de 15 ans et 16 ans, accompagnée, respectivement, par un parent et un enseignant.