le Lundi 16 septembre 2024
le Mercredi 26 juin 2024 9:00 Arts et culture

Stef, c’était ben plus qu’un spectacle!

Le public a comblé de joie Stef Paquette. — Photo : Léo Duquette
Le public a comblé de joie Stef Paquette.
Photo : Léo Duquette
C’est un Stef Paquette nostalgique qui s’est présenté le samedi 22 juin, à la Place des Arts du Grand Sudbury (PdA), pour le spectacle de ses 30 ans de carrière. Le public, qui avait entamé la soirée avec des éclats de rires, a fini en larmes au moment où le «ti-cul» de Chelmsford quittait la scène. L’émotion était à son comble.
Stef, c’était ben plus qu’un spectacle!
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 Stef Paquette et ses musiciens sur scène.

Photo : Léo Duquette

C’était sur un air de la Dernière Valse du groupe de rock canadien The Band, lorsqu’il avait réuni, en 1976, dans un concert d’adieu à San Francisco, des vedettes et d’anciens compagnons de route. 

Stef Paquette qui, à la différence, est encore loin de ranger sa guitare dans un étui, a regroupé plusieurs musiciens avec qui il avait signé ses débuts et qu’il a retrouvés ce soir-là sur scène, après plus de deux décennies. Il faut dire que l’occasion se prêtait bien, comme le spectacle célébrait également les 60 ans de la Slague. 

C’était un orchestre impressionnant, avec un pianiste, un claviste, un violoniste, un guitariste, un bassiste et un batteur, qui a accompagné un Stef Paquette qui s’est isolé dans les loges, quelques moments avant le début du spectacle. Ce n’était pas le trac. C’était pour retrouver les paroles et les airs d’anciennes chansons pour lesquelles des gens de la communauté l’avaient sollicité à la dernière minute, avant qu’il ne rejoigne la scène. 

«J’étais étonné de voir des personnes me lancer des noms de chansons que j’avais moi-même oubliées», dit-il au Voyageur.  

Stef Paquette a partagé plusieurs anecdotes avec son public. 

Photo : Léo Duquette

Stef Paquette, qui a revisité des chansons de ses grands albums, comme L’homme exponentiel ou Le Salut de l’arrière-pays, a dû régulièrement marquer des haltes, parfois au milieu même d’une chanson, saisissant dans l’air la moindre réaction du public, pour la tourner en blague ou enchainer avec une anecdote. 

C’était le cas pour le prix Trille or, catégories Meilleure pochette et Meilleur album, qu’il avait remporté en 2013 pour Le Salut de l’arrière-pays

Un jour, Normand Renaud, alors animateur et chroniqueur à CBON, appelle Stef Paquette pour lui proposer de les rejoindre comme coanimateur dans la série radiophonique Le salut de l’arrière-pays, qui avait gagné le prix de la meilleure émission régionale du pays en 2003-2004. Le principe était de composer des petites chansons en rapport avec chaque région du Nord de l’Ontario, où ils devaient se déplacer pour réaliser un reportage. 

«Je jasais avec ma mère et je regardais une émission sur les travailleurs dans les mines en Nouvelle-Écosse, lorsque j’avais reçu l’appel. J’ai alors pris ma guitare et j’ai commencé à fredonner un air du genre ‘’Moi je travaille dans les mines…’’. Mais je devais faire une seule émission, comme le principe était d’inviter un nouvel artiste pour chaque numéro», a-t-il raconté sur scène. 

Normand Renaud, présent au spectacle, s’en souvient très bien. «On a fait la première émission avec Stef. On a dit, regarde, ça va trop bien, c’est trop facile, c’est parfait. Il est polyvalent, on lui donne les sept autres émissions», a-t-il confié au Voyageur

«Ta sœur est plus belle que toé!»

En 2011, Stef Paquette a décidé, avec l’appui de Normand Renaud, de faire une sélection des chansons composées dans le cadre de cette série d’émissions, pour en tirer un album. C’est ainsi qu’est né Le salut de l’arrière-pays.

«Ce n’était pas un projet qu’on avait pris au sérieux. Lorsqu’en 2013, je suis revenu avec le prix à Sudbury, Normand m’a balancé, je ne te crois pas, ce n’est pas avec cet album que tu vas gagner un prix…», a partagé Stef Paquette avec son public qui riait à gorge déployée.

Des vedettes de la chanson avaient pourtant été nommées pour le prix Trille or.

«Il y a des chansons qui te prennent des mois de travail et tu ne gagnes rien avec. Pis, un jour, tu plaques trois accords et tu balances deux mots que Normand Renaud va te transformer en un texte une demie heure plus tard, et la chanson passe dans toutes les radios», a-t-il révélé à son public, au moment où il devait enchainer avec la chanson connue comme le Cayouche Franco-Ontarien, Ta sœur est plus belle que toé.

C’est en plus une histoire vraie. Stef Paquette a bien voulu partager l’anecdote avec Le Voyageur : «J’étais dans une fête de mariage, dans la région de Sudbury, et il devait être 2 h du matin. Le marié avait bu fort et il dansait avec sa belle-sœur. Il était collé à elle. Il avait les mains pas à la bonne place et il s’est penché sur elle pour lui chuchoter quelque chose. Elle l’a fait asseoir pour nous rejoindre. Il lui avait dit ‘’j’ai marié la méchante sœur’’. Je me suis dit sur le champ, voilà le titre d’une chanson».

Denis Chartrand, un ami de longue date de Stef Paquette.

Photo : Mehdi Mehenni

Le ti-gars de Chelmsford

Vous avez le droit de ne pas croire, mais Stef Paquette voit même dans le noir! Il avait repéré un ami de longue date dans l’obscurité de la salle, au milieu d’une multitude de spectateurs. Il avait, bien entendu, reconnu sa voix.

«Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu et il a reconnu ma voix. Je n’en reviens pas!», souligne Denis Chartrand au Voyageur.

Denis Chartrand avait poussé un «Yes, vas-y Stef», et l’artiste l’a saisi à l’envolée.

«Te souviens-tu, Denis, quand j’avais 16 ans et que j’étais venu travailler à l’épicerie Métro de Chelmsford? Tu étais dans le rayon des fruits et légumes et moi dans la boulangerie. Ils avaient compris que je n’étais pas fait pour les fruits et légumes! Mais sérieusement, tu étais le seul qui s’intéressait à ce que je faisais en dehors de Métro», se rappelle Stef Paquette.

Denis Chartrand se rappelle des premiers petits spectacles de son ami. «On le suivait dans les bars pour l’encourager. Pis, il a toujours été drôle. Pour notre premier party de fin d’année, il s’était déguisé en Père Noël et il improvisait», relate-t-il.

Photo : Courtoisie

Stef Paquette avait 18 ans lorsque son père l’avait emmené à Fret and Fiddle, un ancien magasin d’instruments de musique dans la région de Sudbury, pour lui offrir sa toute première guitare, une BC Rich qui avait couté 125 $. 

«Il y a un tas de questions qui me traversent l’esprit, en ce moment. Est-ce que j’aurai eu le même cheminement et la même carrière si mon père ne m’avait pas offert cette guitare…», a-t-il indiqué au Voyageur. 

Approché par Le Voyageur, le père de Stef Paquette, étant encore sous l’émotion après le spectacle, a préféré ne pas faire de déclarations. 

Édouard Landry, musicien et compagnon de route de Stef Paquette.

Photo : Mehdi Mehenni

Édouard Landry est aussi un accompagnateur musical de longue date de Stef Paquette. Il ne pouvait pas manquer le spectacle des trente ans de carrière de son ami. Il en a pris part à titre de spectateur. 

«La première fois où j’ai joué avec Stéphane, c’était il y a 25 ans. Il avait quitté son groupe Les Chaises Musicales. J’ai embarqué comme musicien à la pige dans ces moments-là. Et puis, on était dans un groupe pour un petit moment ensemble.

Il s’appelait Conflit Dramatique. Et là, depuis quatre ans, on a formé Les Bilinguish Boys. On fait des tournées un peu partout à travers l’Ontario et le Canada», a-t-il témoigné. 

Édouard Landry, qui repart en tournée avec Stef Paquette dès octobre 2024, affirme qu’il prend beaucoup de plaisir à faire de la scène avec son ami. 

«On improvise et chaque spectacle est différent. Parce qu’on ne sait pas qui va être dans la salle. C’est toujours le fun. On fait des jokes et c’est toujours drôle», a-t-il ajouté.

Le public a vécu toutes sortes d’émotions avec Stef Paquette. 

Photo : Léo Duquette

«Merci Sudbury» 

La famille de Stef Paquette était également présente dans la salle et le public l’a découvert quand sa sœur Renée a lancé «je t’aime ti-frère» du balcon de la grande salle. 

Avec son intarissable humour, Stef Paquette a levé les yeux vers l’obscurité qu’il faisait au balcon, pour lâcher «j’ai failli croire que Dieu me parlait de là-haut!». 

Éclats de rire dans la salle. Mais ce sera bref, puisque Stef Paquette lui-même fondit en larmes, en plaquant le dernier accord d’une chanson dédiée à sa sœur et qu’il a nommée Renée, pour la soutenir dans l’épreuve qu’elle traverse, en raison d’un problème de santé. 

Renée a dû quitter la salle pendant un moment, tellement l’émotion était forte. 

Il y avait aussi quelque chose de nostalgique chez Stef Paquette qui s’était déclenché tout d’un coup au milieu du spectacle. C’était particulièrement dans ces moments où le public se lançait spontanément à chanter avec lui, dès les premières notes d’une chanson. À chaque fois, il avait les yeux mouillés. 

Photo : Léo Duquette

Une demi-heure après la fin du spectacle, l’émotion n’avait pas totalement quitté Stef Paquette. «C’est beaucoup de choses qui sont données en même temps. C’est une question de communauté. Je pense que Sudbury c’est ça. Les artistes sudburois, c’est une affaire de communauté. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter ça, mais je suis bien enveloppé ici. Que ce soit pour la composition avec Daniel Bédard , l’écriture avec Normand Renaud ou le graphisme… », a-t-il déclaré au Voyageur.

Stef Paquette a, certes, un nombre important de spectacles à son actif, mais il avoue que c’est pour la première fois qu’il vit un moment pareil. «Je crois que tout artiste rêve de ce moment où à peine il lance une chanson que le public commence à chanter avec lui dans une symbiose totale. Je ne me considère pas comme une vedette et je ne pensais pas qu’on pouvait connaitre par cœur de vieilles chansons de moi. Ça m’a beaucoup touché», conclut-il.

Normand Renaud et Stef Paquette en train de se lancer des taquineries après le spectacle.  

Photo : Mehdi Mehenni

Normand Renaud fait partie des personnes les mieux placées pour parler de l’artiste. Une discussion spontanée et des taquineries révélatrices d’une grande bienveillance partagée entre les deux amis ont eu lieu pendant l’entrevue avec Le Voyageur.

«C’est un gars, malgré toutes les bouffonneries qu’il va dire, qui est vraiment sincère dans ce qu’il fait. Puis, il n’est pas difficile de travailler avec. Malgré le fait qu’il soit une vedette, il est resté simple. Il est un de nos plus grands artistes de scène de l’Ontario français, avec une carrière multiforme.Il a fait de la télévision, du théâtre, de l’improvisation…Et il a vraiment gagné sa vie comme artiste. Il n’y a pas beaucoup de gens de l’Ontario français qui ont gagné leur vie uniquement comme artistes», assure Normand Renaud.

Pour dire que 30 ans de carrière et ce n’est pas fini, Stef Paquette a annoncé travailler sur de nouvelles chansons avec son parolier Normand Renaud.