le Lundi 16 septembre 2024
le Mercredi 21 août 2024 16:44 Arts et culture

L’été dernier, un film francophone troublant!

 l’Affiche du film L’été dernier.  — Photo : Site internet Sudbury Indie Cinéma
l’Affiche du film L’été dernier.
Photo : Site internet Sudbury Indie Cinéma
Le Voyageur a visionné pour vous le film francophone L’été dernier, qui passera de nouveau le mardi 27 aout, à 13h, à la salle de projection Sudbury Indie Cinéma. Critique.
L’été dernier, un film francophone troublant!
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Malgré son absence de plus de 10 ans, Catherine Breillat n’a pas perdu l’envie d’explorer davantage les thèmes qui l’ont fascinée depuis le début de sa carrière: la sexualité féminine, le désir et les jeux de puissance que l’amour charnel peut entrainer. Avec son nouveau film L’été dernier, ces vieux motifs sont repris de nouveau, mais sous un regard plus souple et plus léger que ce qu’on a l’habitude de voir chez cette cinéaste si controversée.

Ce changement reflète bien la vie aisée de son personnage principal; Anne, avocate spécialisée dans le droit des enfants, est l’image parfaite du confort bourgeois. Elle est respectée dans sa profession, sa vie conjugale est saine et heureuse et elle habite dans une belle maison de campagne avec son mari et ses deux enfants. Ce bonheur domestique est interrompu par l’arrivée de son beau-fils, Théo, un «gamin à problème» qui passera l’été en province avec eux. Bientôt, Anne et Théo, qui n’a que 17 ans, entament une liaison troublante qui risque de détruire la vie idyllique qu’elle s’est construite.

Pas du tout licencieux 

Avec ce synopsis qui ressemble tellement à celui d’innombrables œuvres érotiques, on pourrait facilement se donner l’impression erronée que le but principal de L’été dernier est d’exciter ses spectateurs. Pourtant, le film n’est pas du tout licencieux. C’est vrai qu’il y a une certaine tension dans les premières scènes entre Anne et Théo, mais pendant les scènes d’amour, la caméra est toujours fixée sur les visages des participants plutôt que leurs corps, qui les enlèvent leur sensualité.

Le film est rempli de gros plans comme ceux-là, mais malgré cette intimité, on ne rentre jamais complètement dans les personnages et leurs points de vue. Breillat nous demande d’observer ces personnages plutôt que rentrer dans leurs émotions. En rapprochant sa caméra, elle réussit à nous éloigner d’eux. Grâce à cette approche, Breillat est capable de raconter l’histoire de cette liaison illicite sans la banaliser et, en même temps, sans faire de jugements moraux.

Avec sa mise en scène simple, mais perspicace, L’été dernier parvient aussi à saisir avec justesse les différentes façons que le pouvoir se manifeste dans une relation sexuelle. Une scène de drague clé dans le film : quand Théo plonge la tête d’Anne sous l’eau pendant un séjour au lac et Anne réagit en lui plongeant la tête pour une durée étonnante est un microcosme du film entier. Au début, Théo semble parfois être l’agresseur, mais rendu à la fin, il est clair que c’est Anne qui détient le pouvoir.

Bien que Théo soit assez grand pour ressentir des pulsions sexuelles et agir en conséquence, il est trop jeune pour comprendre la gravité des ces actions et Anne prend bien avantage de cette ignorance. Le moment même où Théo essaie d’utiliser le peu de pouvoir qui lui reste contre Anne, elle répond avec une contrattaque dévastatrice; il n’a jamais la moindre chance. C’est ce changement de rôle, où la victime devient l’accusé et vice versa, qui donne au récit sa puissance émotionnelle. 

Il faut dire qu’il est rare de voir ce genre de sujet tabou porté à l’écran, et encore plus rare de le voir réaliser avec autant de maturité et de sensibilité. Catherine Breillat est parmi les seules cinéastes assez audacieuses pour tenter le coup. Espérons qu’elle n’attendra pas dix ans de plus pour sa prochaine tentative.