le Lundi 16 septembre 2024
le Dimanche 25 août 2024 9:00 Arts et culture

Quand les murs de Sudbury font écho à la cause de la femme

La murale reproduisant Nadia Murad, de l’artiste Miss Me.

 — Photo : Brandon Gray
La murale reproduisant Nadia Murad, de l’artiste Miss Me.
Photo : Brandon Gray
La 10e édition du festival Up Here, qui s’est déroulée du 15 au 18 aout à Sudbury, a accueilli l’artiste féministe MissMe, pour peindre sur le mur de la ruelle Old City Hall, au centre-ville, une fresque qui fait partie de sa série Les couches d’une femme.
Quand les murs de Sudbury font écho à la cause de la femme
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Dès lors, c’est le visage de Nadia Murad, une rescapée des geoles de l’État islamique (EI) et prix Nobel de la paix en 2018, peint en noir et blanc qui orne ce mur et prône la puissance qui sommeille en chaque femme. 

En plus de l’accueil de musiciens émergents, le festival Up Here a convié des artistes pour créer des installations immersives dans des ruelles, et des muralistes pour peindre des fresques sur les murs des édifices du centre-ville de Sudbury. Ils viennent d’un peu partout du Canada et d’ailleurs.

«On a une artiste de North Bay. On a une artiste de Thunder Bay. Après ça, on a des artistes canadiens-français. On a Anaïs Lera qui vient de France, mais elle est basée à Vancouver, en ce moment. Il y a Fatspatrol qui a fini sa murale à côté des rails du train au Centre-ville, qui est une artiste originaire de Dubaï, mais qui est établie à Toronto depuis dix ans. Shelby Gagnon, une artiste anichinabée et mushkegowuk de la Première Nation d’Aroland, qui a peint une murale dans le Donavan sur la rue Frood», énumère Christian Pelletier, cofondateur et codirecteur artistique du festival Up Here.

 La murale en chantier. 

 

Photo : Page Facebook UP Here Festival 

La tête d’affiche des murales de 2024

Afin de souligner sa dixième année, le festival a fait appel aux talents de MissMe, une artiste multidisciplinaire qui vient de Montréal. «C’est une grande artiste de renom, de street art. Elle fait un travail vraiment incroyable. C’est une activiste. C’est quelqu’un qui ne fait pas de l’art mural. Elle fait du street art. Là, c’est une murale qu’on lui a demandé de faire, mais c’est vraiment une artiste de la rue qui fait, d’habitude, de l’art légal», dit M. Pelletier.

Féministe engagée, MissMe use de son art pour se pencher sur des questions fondamentales qui touchent la femme et qui vont de l’apparence à la profondeur. En ce qui a trait à sa participation au festival Up Here, l’artiste inscrit sa murale dans sa série Les couches d’une femme. À première vue, elle peint des visages féminins, mais, au fond, ce sont des vécus racontés et des émotions extériorisées.

Le cofondateur du festival décrit la murale comme suit : «C’est une photo en noir et blanc, avec un message dessus « I am not afraid. Be powerfull » (Je n’ai pas peur. Sois forte). C’est très puissant comme murale». Grâce à son art mobilisateur, MissMe a initié comme une sorte de rencontre entre les Sudburois et Nadia Murad, une activiste irakienne qui a gagné le prix Nobel de la paix en 2018, et qui raconte « une histoire folle de résilience, de torture et de violence», pendant qu’elle était, avec sa famille qui a été tuée, la prisonnière de l’État islamique. Elle avait réussi à s’échapper. 

MissMe a voulu mettre en avant la force de cette rescapée, qui est devenue une militante des droits de l’homme. «Son histoire est remarquable. C’est une femme forte», estime M. Pelletier. Le projet de la murale est un partenariat avec Copy Copy, une entreprise qui appartient à deux femmes qui ont prêté le mur de leur édifice pour honorer l’histoire d’une autre femme d’ailleurs.

Les murs de Sudbury se sont prêtés à des vécus venus d’ailleurs. 

 

Photo : Page Facebook UP Here Festival 

De l’art engagé pour déranger 

Dans sa conception, le festival Up Here a pour mission de remodeler la communauté par l’entremise de l’art. Le cofondateur du festival est fidèle à ce principe et insiste sur le fait que «l’art public n’est pas juste de faire du beau, mais c’est de rendre mieux». Ainsi s’est fait le choix des artistes pour cette édition. «On invite les artistes parce que l’on connait leur portfolio. On connait ce qu’ils font. L’art public n’est pas juste pour faire du beau. Ça devrait aussi dialoguer avec la communauté. Ça devrait choquer. Ça devrait refléter le climat politique », confirme M. Pelletier. 

Il estime qu’au Canada, l’art public est relativement pacifiste. Il est plutôt d’ordre esthétique. En revanche, le street art est plus politique. Il s’agit d’une forme d’activisme pour aborder d’importe quel problème, remettre en cause des conventions, s’opposer à des gouvernements et froisser la société. 

M. Pelletier affirme que l’art, à Sudbury, devient de plus en plus un art dérangeant et va au-delà de ce qui est conventionnel. «Pendant plusieurs années, on a eu plusieurs murales. Puis, on a été critiqués. Ce sont juste des Blancs sur les murales. Quand il y avait un personnage, c’était un homme blanc ou une femme blanche. Ça ne reflète pas la vraie communauté qu’on voit, à Sudbury, en 2024».

M. Pelletier porte à notre connaissance une prise de conscience de la diversité de la communauté et avoue la nécessité de faire un art qui la représente. En tant que membre du comité organisateur, il souligne les efforts déployés pour remettre en question certains stéréotypes et pour être conforme à une réalité démographique en permanente métamorphose. «C’est une priorité», insiste-t-il. Selon lui, «il faut oser choquer la communauté pour pouvoir la changer».

Bien que le festival ait pris fin le 18 aout, M. Pelletier assure que le festival se prolongera autrement, rassurant ceux et celles qui n’ont pas eu la chance de participer aux tournées guidées des murales, que d’autres visites guidées sont prévues le 21 septembre et le 12 octobre. Une application du nom de FEST a été également créée afin de mettre à la disposition de ses utilisateurs une carte interactive leur permettant de découvrir les différentes murales.