Dans L’Île rouge, le cinéaste Robin Campillo nous présente un Madagascar hanté par des fantômes. Nous sommes en 1970, 10 ans après la proclamation de l’indépendance malgache, mais le spectre qu’on appelle la “présence française” persiste malgré sa mort supposée. Nous observons ce monde à travers les yeux de Thomas, un fils de militaire précoce et curieux de tout, qui vit sur une base aérienne française avec sa famille pendant le dernier souffle de la domination coloniale. Le film se préoccupe principalement de l’entre-soi des familles qui vivent sur la base et documente leur quotidien avec un certain impressionnisme; le tout se déroule à un rythme à la fois lent et elliptique, avec un montage qui passe langoureusement d’une anecdote à l’autre.
Avec ce style quasi-onirique, le film aborde plusieurs sujets — la perte de l’innocence, la politique sexuelle du colonialisme, l’aggravation des tensions conjugales sur la base — mais sans jamais aller très loin au-delà de la surface dans leur traitement et sans jamais les combiner de façon cohérente.
Les Malgaches, pour leur part, ne font que de brèves apparitions dans la vie décontractée des expatriés — pendant la majeure partie du film, ils sont relégués aux rôles soit de prostitués ou de domestiques. En regardant les quinze dernières minutes du film, qui met en image le début des manifestations de 1972 et abandonne soudainement la perspective de colons que nous avons suivi jusqu’alors, on a l’impression que Campillo a paniqué quand il s’est rendu compte que son film sur la colonisation des Malgaches montre à peine des Malgaches. Le tout ressemble à une réflexion après-coup peu convaincante.
Comme le film a été inspiré par les expériences personnelles du metteur en scène, qui a réellement passé deux ans à Madagascar au début des années 1970s, il est évident que le sujet lui tient à cœur. C’est dommage que le traitement de ce sujet soit tellement malavisé. C’est également dommage qu’un énième film sur le colonialisme soit tellement plus intéressé à l’oppresseur qu’à l’opprimé, quelles que soient les bonnes intentions des cinéastes. Peut-être qu’un jour quelqu’un réalisera un film sur Madagascar qui montrera plus qu’un intérêt passager pour le peuple malgache. Si ce jour arrive, je ferai certainement la queue pour le regarder.
Le film est projeté le jeudi 12 septembre à 14 h, le samedi 14 septembre à 18 h, le mardi 17 septembre à 13 h 30 et le mardi 24 septembre à 16 h 15.