Les candidatures intéressées au projet Alentour ont été retenues pour participer à un atelier en personne à la Galerie du Nouvel-Ontario (GNO), à Sudbury, le 10 octobre de 16 h à 20 h, ainsi qu’à deux ateliers en ligne animés prochainement par Eunice Bélidor, Emmanuelle Choquette ou Céline Huyghebaert, selon leur choix de mentores.
Éloïse LeBlanc, directrice adjointe de l’Association des groupes en arts visuels francophones a expliqué le projet d’accompagnement aux six participants, parmi lesquels se trouvait l’artiste visuel Dominic Lafontaine. Ce même accompagnement, qui a eu lieu à Moncton, Sudbury et Winnipeg, se déroulera dans une deuxième phase : les personnes intéressées pourront bénéficier d’un mentorat individuel avec l’une des mentores, aboutissant à la publication d’un texte.
Un pilier des arts visuels francophones au Canada
Mme LeBlanc a ajouté que l’AGAVF était le seul organisme national à but non lucratif dédié aux arts visuels des communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire au Canada. Cette association a été formellement établie en avril 2003, lors d’un colloque au Musée des beaux-arts du Canada, rassemblant 80 participants. Toutefois, ses débuts remontent à juin 1998 à Sudbury, où elle a été initiée lors d’une rencontre liée au Forum sur la situation des arts dans la francophonie canadienne, organisée par la Galerie du Nouvel-Ontario. Elle regroupe plus de 15 organismes à travers le pays, jouant un rôle clé dans la professionnalisation et la circulation des œuvres. Cet organisme défend les intérêts et les enjeux des collectifs d’artistes, des centres d’artistes autogérés et des galeries d’art auprès des institutions gouvernementales, facilite le réseautage et offre de meilleures conditions de création pour les artistes de leur milieu.
Une nouvelle étude sur les arts visuels dans les communautés francophones
Ce projet est né de plusieurs constats suite à la publication d’une étude commandée par l’AGAVF et réalisée en 2022, visant à mettre à jour le rapport de 2001 par Marc Haentjens et Rachel Gauvin. Éloïse LeBlanc a souligné que les lacunes dans le réseau, le manque d’occasions de perfectionnement et le fait qu’il y ait peu de personnes possédant une maîtrise en histoire de l’art ont permis de lancer cette initiative pour développer le réseautage et le développement professionnel, en particulier dans les communautés francophones minoritaires. Les défis rencontrés par ces communautés francophones incluent notamment la précarité économique des artistes et le manque de données sur les arts visuels au Canada. Elle a aussi insisté sur l’importance de la collaboration avec des commissaires pour le développement artistique en présentant l’artiste visuel Céline Juyghebaert qui possède une démarche artistique unique.
Une artiste à la croisée des disciplines
L’animatrice de l’atelier, Céline Huyghebaert, est une artiste d’origine française, autrice et critique d’art. Après 23 ans passés dans le milieu artistique de Montréal, elle oeuvre maintenant en Ontario français. Dans ce cadre innovant, elle a partagé sa pratique artistique et son expérience.
En dialogue avec l’exposition et les œuvres, elle a exploré diverses manières d’écrire les textes qui accompagnent les œuvres d’artistes, les expositions et les commissaires, ainsi que les textes soumis à des revues. Elle a présenté des exemples de ses projets : un texte écrit suite à l’invitation de l’artiste Sophie Jodouin autour de l’exposition Une certaine instabilité émotionnelle en 2015, ou un autre suite à l’invitation de l’artiste Karen Trask pour l’exposition solo Then again où elle a évoqué également un voyage fictif à travers le récit d’exposition.
Céline a conçu l’atelier comme un moyen d’écrire en collaboration avec un artiste, tout en engageant un dialogue avec l’exposition et l’artiste. Elle a invité les participants à rendre leurs écrits plus littéraires et subjectifs, les incitant à «se frayer un chemin, à trouver leur voix». Elle a encouragé chacun.e à envisager comment les auteur-rice-s pouvaient s’insérer dans différentes formes d’écriture et à exprimer comment dire et écrire autrement en collaboration avec l’artiste.
Entrer dans l’univers des uns et des autres
Le premier exercice consistait à écrire en dialogue avec le projet d’exposition de Dominic Lafontaine, intitulé Ellipse. Chaque participant était invité à écrire cinq mots sur chacune des cinq cartes en lien avec le titre de l’installation. Les cartes se sont ensuite rassemblées au centre, et chacun était invité à en piocher cinq et à trouver une définition subjective des mots, en s’appuyant sur ses sensations, souvenirs ou couleurs. Par la suite, un court texte fut rédigé sous forme de poème ou de phrases. Les participants étaient émerveillés par la richesse des partages. Les moments de partage des textes en friche ont suscité des discussions et une curiosité propice à la créativité et à l’amélioration des compétences en écriture.
Un dialogue créatif
Dans un deuxième temps, chaque participant s’est imprégné des œuvres de trois artistes franco-ontariens afin de découvrir d’autres pratiques, notamment celle de l’artiste Dominic Lafontaine et de son installation à la GNO, ainsi que deux autres installations à l’écran. Parmi les œuvres à explorer figuraient The Spaces Between, créée par Tania Love en 2024, et une performance enregistrée nommée Rock Extraction (2019) de l’artiste Juje, invitant à saisir un moment, un regard posé sur l’oeuvre pour écrire.
La proposition d’écriture consistait à lancer des idées sur papier et à retravailler ces écrits, non pas pour écrire sur l’artiste, mais avec elle ou lui, en dialogue, entre deux subjectivités : celle de l’autrice et celle de l’artiste. Cela pouvait prendre la forme d’une entrevue, d’une correspondance ou d’une coexistence, cherchant à faire exister une proposition et un ressenti, bref, un texte incarné.
Selon Candice Dan, professeure associée à l’Université de l’Ontario français et participante, il lui était difficile, ayant une formation en histoire de l’art, de parler de subjectivité. Toutefois, elle a utilisé l’enquête pour s’immerger dans le détail d’une des œuvres présentées et évoquer ce qui l’a touchée. L’artiste visuel Dominic Lafontaine a quant à lui utilisé l’approche Behind the Scene pour décrire trois aspects qui l’avaient interpellé dans le processus de création des œuvres.
Dans un troisième temps, Céline a encouragé l’exploration et le plaisir, sans se préoccuper de la performance ni de la qualité du texte, mais en laissant émerger les idées inspirantes. Elle a également invité à l’écoute active tout en ajoutant une légère contrainte de temps pour s’inspirer de chaque œuvre.
Enfin, Céline a proposé d’écrire pendant une période de 30 minutes en se basant sur les exercices liés aux œuvres, en vue de mener à une collaboration et à un projet collectif, culminant par le partage des textes de chacun.e.
Donner une voix aux artistes
Lors de l’atelier, les participants ont profité de l’espace nécessaire pour lancer leurs idées sur papier, proposer des écrits inspirés par des œuvres, notamment celles de Dominic Lafontaine, et explorer de nouvelles pistes d’écriture. Les exercices proposés par Céline ont été une occasion de s’amuser avec la description lente, la fiction, l’enquête et le collage sous forme fragmentaire, sans se cantonner à une narration linéaire. Ils ont également permis de se détacher des mots-clés et d’encourager chacun à se sentir valorisé tout en poursuivant son cheminement littéraire. Enfin, le partage des ressources de Céline, en collaboration avec d’autres artistes, a permis de découvrir la communauté francophone sudburoise, de réfléchir à l’écriture dans le contexte du milieu francophone et d’être exposé-e aux différentes pratiques de divers artistes.