Intitulée Résilience et Espoir, sa création – un triptyque – réunit trois peintures qui représentent chaque communauté culturelle fondatrice avec l’utilisation de couleurs primaires : le rouge pour les Premières Nations, le jaune pour les Français et le bleu pour les Britanniques.
On retrouve entre autres plusieurs éléments, objets symboliques et références à des endroits ou des évènements marquants au pays.
Que ce soit des personnages, des animaux, des paysages naturels, des structures, des lieux de deuil, des drapeaux, plusieurs dates importantes, voire même un marteau de juge et de véritables plumes d’oiseaux, l’œuvre de M. Guertin invite le spectateur à réfléchir sur l’histoire parfois compliquée du Canada.
«Inscrit par-dessus, morceau par morceau, on voit trois mots: résilience et espoir. Il y en a deux qui sont des communautés minoritaires et une qui est dominante; deux sociétés qui vivent dans une société avec une communauté dominante», explique M. Guertin.
«À travers les années, il y a eu beaucoup d’oppression; l’oppression contre les Premières Nations, contre la francophonie, des essais pour anéantir [la Loi sur les Indiens et le Règlement 17] et même des succès [l’extinction du peuple Béothuk sur l’ile de Terre-Neuve]», reconnait-il.
«Je dirais que j’ai mis au moins 20 heures dans ça. Mais je pourrais aussi exagérer et dire que j’ai mis 71 années, parce que c’est une combinaison d’une vie et d’expérience comme artiste qui m’a donné la chance de mettre quelque chose comme ça ensemble.»
L’aspect autochtone
Lorsque M. Guertin était en train de créer sa toile rouge, il voulait faire référence au pont ferroviaire de la Première Nation de Garden River (près de Sault-Ste-Marie) avec son inscription emblématique en anglais This is Indian Land (cette terre appartient aux autochtones). L’artiste a obtenu une permission spéciale de la collectivité pour l’inclure dans son triptyque.
«Ces mots-là m’ont vraiment pris culturellement. Quand j’ai vu ce pont-là à Garden River, je voulais en savoir plus. J’ai appris que les autochtones se sont vraiment battus pour survivre jusqu’au point où ils sont aujourd’hui», raconte l’artiste de la région du Nipissing.
«This is Indian Land, inscrit en lettrage de six pieds de haut en peinture blanche, n’est qu’un exemple de façon de résister», rajoute-t-il.
«J’ai contacté Jordan Nolan [joueur de hockey professionnel de Garden River] et je lui ai demandé la permission écrite de pouvoir utiliser ça pour un point saillant dans mon œuvre rouge, ce que j’ai reçu. Ils étaient fiers de me donner cette permission-là.»
La forme francophone
Le tableau jaune résume en quelque sorte les expériences vécues – les bonnes comme les mauvaises – par les francophones sur le nouveau continent. M. Guertin a surtout mis l’accent sur des objets trouvés au fil des siècles et des symboles contemporains.
«On voit deux artefacts qui ont été trouvés il y a entre 300 et 400 ans. Ils attestent de l’histoire de la colonisation francophone. Ça atteste que la deuxième communauté dans ces trois y était dans ce temps-là, qui faisait des avances dans le nouveau pays», illustre l’artiste.
«C’est spectaculaire que le Règlement 17, qui a été infligé contre les francophones pour les anéantir, n’existe plus. Aujourd’hui, nous avons plusieurs conseils scolaires francophones, une myriade d’écoles francophones et une nouvelle fierté qui n’existait pas lors du Règlement 17. C’est pour ça que l’œuvre jaune démontre le drapeau franco-ontarien qui sort en trois dimensions.»
Remords et réconciliation
La peinture bleue est non seulement une représentation de la souffrance des peuples autochtones et francophones, mais aussi des progrès qui ont été faits depuis les débuts de la Confédération canadienne.
«J’ai peinturé un pouce sur la plume de geai bleu. Sous la plume et le pouce se trouve aussi une fleur de lis. Le pouce met de la pression [sur] les francophones ainsi que les autochtones», décrit l’artiste.
«À travers les années, même si les Britanniques ont causé beaucoup d’oppression, je vois aujourd’hui de l’espoir. Le Règlement 17 n’existe plus. La Loi sur les Indiens a été modifiée une trentaine de fois. C’est la culture dominante qui a fait ces changements-là».
M. Guertin a également ajouté un symbole tricolore pour représenter un cercle d’amis entre les trois cultures fondatrices.
Preuve de générosité
L’œuvre Résilience et Espoir sera mise en vente durant la prochaine exposition de la Galerie W.K.P. Kennedy au profit du Club Richelieu de North Bay.
L’organisme à but non lucratif recevra 75% des recettes générées.
«Nous sommes très reconnaissants que Norman fasse ce geste pour aider le Club Richelieu», indique le porte-parole, Gaston Laforge.
«Norman est un fier francophone qui travaille d’arrache-pied afin que le club continue de supporter ses œuvres dans la communauté. Lorsque nous avions 200 boites de sacs écolos à vendre il y a quelques années, Norman en a vendu au-delà de 130 boites a lui-même. On est choyé qu’il soit un membre de notre club ici à North Bay.»