Dans son annonce de lundi, CBC/Radio-Canada a affirmé qu’elle devra supprimer 600 postes, en plus d’abolir 200 postes vacants à l’échelle de l’organisation.
Parmi les 600 postes, Radio-Canada et CBC pourraient se voir amputées chacune de 250 emplois. Cette situation préoccupe le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge.
«Ça m’inquiète, parce que c’est un diffuseur public qui joue un rôle, un très grand rôle dans la promotion des deux langues officielles à travers le pays, dit-il en entrevue avec Francopresse. Et bien souvent, c’est parfois la seule source d’information locale en français.»
Toutefois, selon le commissaire, avant d’engager dans une suppression de postes qui risque d’affecter les francophones en milieu minoritaire, il sera nécessaire que la Société d’État consulte les communautés francophones.
«Donc reste à savoir maintenant comment le diffuseur va passer à l’action en termes de la mise en œuvre de ces coupures», ajoute Raymond Théberge.
Une discussion s’impose, c’est la Loi
Le commissaire rappelle que la nouvelle Loi sur les langues officielles, qui a reçu la sanction royale en juin 2023, «reconnait de façon formelle l’importance de CBC/Radio-Canada pour les minorités francophones et anglophones du Canada. Donc il y a une obligation dans la loi».
Même son de cloche à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). Dans un communiqué partagé le 7 décembre, la FCFA exige que la Société d’État consulte les communautés francophones avant de procéder à des coupures.
«Ce n’est pas un souhait, c’est une obligation qu’a CBC/Radio-Canada, en tant que société de la Couronne, en vertu de la nouvelle Loi sur les langues officielles, peut-on lire dans le communiqué. La Loi requiert des institutions fédérales des consultations sur les impacts négatifs que pourraient avoir leurs décisions sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire, et sur les moyens de minimiser ces impacts.»
La présidente de la FCFA, Liane Roy, a affirmé qu’elle rencontrera bientôt la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada à ce sujet et souhaite aussi rencontrer la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge.
«Évidemment, il revient aux dirigeants de CBC/Radio-Canada de tenir compte de leur rôle au sein des communautés de langues officielles lorsqu’ils prendront leurs décisions», ajoute Raymond Théberge.
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Impact sur la programmation francophone
CBC/Radio-Canada a aussi annoncé qu’elle «réduira ses budgets de programmation en français et en anglais en prévision du prochain exercice financier, incluant près de 40 millions $ en moins pour les productions indépendantes qu’elle commande et les émissions qu’elle acquiert».
Pour la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), cette décision pourrait engendrer des conséquences majeures dans le secteur de la production indépendante dans les communautés francophones en situation minoritaire.
Selon la présidente de la FCCF, Nancy Juneau, des membres de l’organisme «dépendent en partie de Radio-Canada pour leurs activités de production dans nos communautés».
«On sait que l’activité de production, ça offre à nos artistes, à nos artisans, à nos techniciens, des occasions de travailler chez eux, d’être bien rémunérés, explique Nancy Juneau. Puis ça, ça contribue à ce que cet écosystème-là, culturel et artistique, puisse œuvrer dans nos régions.»
Bien que Nancy Juneau se dit empressée de savoir comment CBC/Radio-Canada va procéder aux suppressions des postes et aux coupes budgétaires, elle garde quand même espoir.
Tout d’abord, la nouvelle Loi sur les langues officielles protège les communautés linguistiques en situation minoritaire. Aussi, une des priorités de Radio-Canada, selon son plan stratégique, est de créer un lien avec les régions.
Des leçons à tirer du passé
Avec les nombreuses incertitudes qui planent pour la programmation en français dans les communautés francophones hors Québec, certains se souviennent de l’annonce de la disparition de la programmation locale à la station de Windsor, en Ontario, en 2009.
La communauté s’était alors mobilisée pour sauver la programmation en français. Nicole Larocque et Karim Amella avaient lancé le mouvement SOS CBEF.
La communauté et le groupe SOS CBEF avaient alors déposé une plainte au Commissariat aux langues officielles qui, à son tour, a déposé un recours judiciaire à la Cour fédérale en 2010.
«Le commissaire avait conclu que CBC/Radio-Canada n’avait pas respecté ses obligations en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, peut-on lire dans le communiqué de presse de la Cour fédérale. Elle n’avait pas consulté la communauté francophone du Sud-Ouest ontarien et n’avait pas tenu compte des répercussions négatives de la fermeture de la station de radio CBEF sur cette communauté.»
Pour Raymond Théberge, cette partie de l’histoire démontre que «les gens ont à cœur leur diffuseur local […] C’est important que Radio-Canada et CBC soient très sensibles à leurs obligations».
Avec la nouvelle Loi sur les langues officielles, la partie VII, selon le commissaire, est «beaucoup plus robuste, beaucoup plus solide, qui nous permet de faire des enquêtes beaucoup plus poussées. C’est un langage beaucoup plus fort qui est spécifié que les institutions fédérales, dont Radio-Canada et CBC, doivent prendre des mesures positives pour appuyer le développement des communautés», soutient-il.
En 2013, l’émission du matin de la station Radio-Canada à Windsor a repris l’antenne après le renouvèlement des conditions de licence du CRTC.
En 2018, le CRTC a renouvelé les conditions de licence pour CBEF.