Des Franco-Canadiens ont décidé, dans le passé, de prendre la parole. Ils ont publié des textes, des manifestes, des lettres, des dépliants pour expliquer à l’ensemble de la population quels étaient les enjeux et les défis auxquels ils se heurtaient.
Une anthologie, bilingue, disponible en ligne, regroupe une cinquantaine de documents qui nous aident à comprendre le développement des communautés francophones, les batailles, les luttes, mais aussi les enjeux autour desquels les francophones se sont mobilisés. Elle est consultable gratuitement sur le site Parolefranco.ca.
«C’est une anthologie qui concerne l’ensemble de la francophonie canadienne. Il y a des textes qui portent sur la francophonie ontarienne, mais également des textes sur les Acadiens du Nouveau-Brunswick, sur les francophonies de la Nouvelle-Écosse,de l’Île-du-Prince-Édouard, du Manitoba et de l’Alberta», explique au Voyageur Marcel Martel, professeur d’histoire canadienne à l’Université York, à Toronto,coauteur de ladite anthologie.
Chacun des documents est accompagné d’un texte de contextualisation, un texte de 300 mots qui aide le lecteur à comprendre ce qui a amené la publication d’une lettre, ou d’un document quelconque, comme le souligne M. Martel.
Il cite deux exemples d’évènements repris dans l’anthologie : la pétition d’objection à la fermeture de l’hôpital Montfort à Ottawa. «Un petit texte de 300 mots aide à comprendre les circonstances. C’est quoi Montfort, pourquoi on revendiquait, pourquoi on s’opposait à la fermeture de Montfort », commente-t-il.
L’autre exemple est en rapport avec les évènements de 2018, lorsque la communauté francophone de l’Ontario s’est levée et a protesté contre la décision de suspendre le développement de l’Université de l’Ontario français située à Toronto. «Un texte de contextualisation fait comprendre pourquoi il y a eu cette manifestation et quels étaient les enjeux», ajoute Marcel Martel.
Une anthologie utile
Selon le coauteur de l’anthologie, pour toute personne s’intéressant à la francophonie canadienne, l’anthologie permet de redécouvrir des documents dont on a peut-être entendu parler ou non.
«Sur notre site, il y a, par exemple, une déclaration des étudiants de l’Université Laurentienne qui date de 1980 qui déplorait que c’était une honte pour le gouvernement de l’époque de ne pas permettre aux francophones de l’Ontario d’étudier dans leur langue aux études supérieures. À travers l’Anthologie, on découvre que les batailles pour les droits des francophones ne datent pas d’aujourd’hui. Elles datent de plusieurs années», déclare le professeur.
Il mentionne que l’utilité de cette anthologie est de permettre aux gens d’accéder à des documents qui ont fait l’objet de publications dans le passé. Et souvent, ces publications-là, soit elles ont disparu, soit on les retrouve seulement dans les bibliothèques.
Thèmes traités
L’anthologie est pancanadienne. Les thèmes qu’elle traite sont variés.
On parle d’éducation, dit Marcel Martel, et de droits des femmes qui ont, il y a longtemps, réclamé un salaire égal à travail égal et le droit à l’avortement. Dès les années 1968, elles ont recommandé des garderies payées par l’État.
On y évoque aussi des mises en place d’institutions, comme les postes de radio de langue française dans l’Ouest. On parle de littérature, de la création d’institutions littéraires ou de la création d’espaces où la culture d’expression française peut s’exprimer.
On n’oublie pas le thème de la solidarité francophone. M. Martel donne un exemple.
«Pendant la Grande dépression des années 1930, l’Association canadienne-française de la Saskatchewan a envoyé une lettre aux francophones de l’Ontario leur demandant d’envoyer de la nourriture, d’envoyer des vêtements aux francophones de la Saskatchewan. C’était précisément en 1932», fait-il savoir.
Il évoque cet autre exemple de solidarité francophone qu’on peut trouver dans l’anthologie : «Avec la création du parc national au Nouveau-Brunswick, on a exproprié des Acadiens et Acadiennes sans compensation adéquate. Ceux qui étaient lésés ont lancé un appel à tous les francophones du pays en leur demandant de les appuyer en manifestant».
Cette anthologie virtuelle permet finalement aux chercheurs, enseignants, étudiants et à tous ceux qui s’intéressent à la francophonie canadienne en situation minoritaire d’avoir un contact direct avec l’histoire de ces communautés linguistiques.
La création de cette anthologie a été rendue possible grâce au gouvernement du Québec, par le biais du Programme d’appui à la recherche du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes et au Centre Robarts en études canadiennes de l’Université York.