Les demandes de services en santé mentale auprès d’Anciens Combattants Canada ont connu une augmentation de plus de 55 % au cours des cinq dernières années. Le ministère a enregistré, pendant cette période, une hausse de plus de 16 000 demandes de prestations d’invalidité liées à un problème psychiatrique diagnostiqué. Pour répondre à cette situation, les services offerts aux vétérans canadiens en matière de santé mentale ont été grandement bonifiés.
Les plus récentes données d’Anciens Combattants Canada (ACC) concernant les demandes de services liés à la santé mentale indiquent qu’en 2016, 21 902 vétérans ont reçu des prestations d’invalidité en raison d’un problème psychiatrique diagnostiqué. Ce nombre a bondi à 37 987 en décembre 2020.
Selon une étude réalisée en 2019 par ACC, les hommes vétérans présentent un taux de risque de décès par suicide de 1,4 fois supérieur à celui des hommes canadiens en général. Pour les femmes vétérans, ce taux est de 1,8 fois supérieur aux femmes canadiennes en général.
Depuis quelques années, le ministère a développé des ressources pour tenter de mettre un frein à cette tendance.
«Le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada a également lancé une stratégie conjointe de prévention du suicide, le 5 octobre 2017, avec des plans d’action propres à chacun des ministères pour réduire le nombre de suicides de militaires et de vétérans dans la mesure du possible», indique Marc Lescoutre, porte-parole du ministère des Anciens Combattants.
ACC recensait, en date du 31 mars 2020, une population totale de 629 300 vétérans vivants, soit 32 100 anciens combattants ayant servi en temps de guerre et 597 200 vétérans des Forces armées canadiennes (FAC). De ce nombre, environ 19 % qui ont reçu des services par l’entremise d’ACC.
Une offre de services qui s’ajuste à la demande
En réponse à une demande croissante, ACC a mis au point un continuum de services et de mesures de soutien en santé mentale. «Ces efforts comprennent l’établissement d’un réseau de cliniques et de points de service satellites pour traumatismes liés au stress opérationnel partout au pays et d’un réseau de plus de 12 000 fournisseurs de services de santé mentale indépendants inscrits auprès du ministère pour offrir des traitements», déclare Marc Lescoutre.
Le porte-parole attribue également l’augmentation de services au fait que le public soit davantage sensibilisé aux besoins des vétérans canadiens ainsi qu’à une diminution de la stigmatisation associée à la maladie mentale.
«Cette évolution positive s’est traduite par une hausse, au fil des ans, du nombre de demandes de prestations d’invalidité liées à la santé mentale auprès d’Anciens Combattants Canada en vue d’une indemnisation financière et de l’accès aux services de soins en santé mentale financés par ACC», affirme-t-il.
Le programme Soutien social aux blessures de stress opérationnel (SSBSO) mis en place par le ministère offre du soutien confidentiel par des pairs qui ont généralement vécu une expérience directe de stress relié à la fonction militaire.
Les blessures de stress opérationnelles peuvent comprendre le syndrome de stress posttraumatique, les troubles liés à la consommation de substances, les troubles anxieux et les troubles de l’humeur.
Déstigmatiser pour mieux traiter
Dave Blackburn est un vétéran des Forces armées canadiennes. Aujourd’hui professeur agrégé et chercheur en santé mentale des militaires et des vétérans à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), il explique que l’appellation «blessure de stress opérationnel» représente un terme administratif qui a été développé au milieu des années 2000, puis davantage utilisé à partir des années 2006-2007.
«Le but, c’était de déstigmatiser psychopathologies, troubles de santé mentale et tous les termes qui ne sonnent pas bien avec l’environnement militaire qui sont en lien avec le psychologique ou la santé mentale. L’intention était de trouver un terme qui passait mieux chez les membres des Forces canadiennes; un terme qui avait moins une connotation péjorative; un terme qui était plus facile d’accès», précise-t-il.
«Plusieurs caractéristiques individuelles entrent en ligne de compte dans le développement d’une blessure : notre capacité personnelle de résilience, les expériences de vie qu’on a, les mécanismes d’adaptation qu’on a, notre bagage génétique — car il y en a qui ont une plus grande fragilité à développer un trouble de stress posttraumatique —, les mécanismes cognitifs aussi», poursuit Dave Blackburn.
Il croit que le programme d’appui par les pairs représente un bon service de première ligne de soutien avant de se diriger vers des services plus robustes de consultation.
«Souvent, les hommes et les femmes qui sont dans les SSBSO ont vécu vraiment une situation pas facile. Ils sont passés au travers, ils ont stabilisé leur situation, ils ont obtenu de l’aide. Ce sont de bons ambassadeurs pour amener quelqu’un qui ne serait pas trop sûr», constate l’ancien combattant.
Selon lui, les tabous liés à la santé mentale chez les vétérans sont moins présents depuis une vingtaine d’années. «Il y a une explication générationnelle. Les plus jeunes sont beaucoup plus ouverts aux questions de santé mentale que les plus vieux», avance le chercheur.
Dave Blackburn affirme néanmoins que la méconnaissance des services reliés à la psychothérapie, les impacts possibles sur un déploiement et les craintes reliées à la confidentialité des services de santé demeurent, encore aujourd’hui, des obstacles à la consultation.
Une application mobile d’apprentissage et d’autogestion de la santé mentale, Connexion TSO, a été développée par le ministère afin d’aider les vétérans et leur famille à comprendre la nature des blessures de stress opérationnel et de leur fournir de l’aide par l’intermédiaire de cliniques. Elle propose entre autres des renseignements sur le stress posttraumatique, la dépression, la gestion de la colère et les problèmes de sommeil.
«En ce qui concerne l’augmentation des mesures de soutien en matière de santé mentale, Anciens Combattants examine régulièrement les traitements et les services nouveaux et émergents, et continuera à surveiller les progrès dans le domaine de la santé mentale et d’adapter et d’améliorer ses services en conséquence», déclare le porte-parole Marc Lescoutre.