Comme pour prouver que sa vie est comme une autre, M. Michaud déblayait la neige de son stationnement à notre arrivée chez lui. Il continue à mener une vie active : jardinage, rénovation, marche… Bouger fait partie de l’entretien pour conserver une qualité de vie. Son épouse, Hélène Réhaume, est épatée de sa forme physique. «N’importe quel médecin qu’on rencontre, ils n’en reviennent pas que ça fait 25 ans», dit M. Michaud.
Mais il ne le cache pas, avoir un nouveau cœur ne permet pas de retrouver sa vie d’avant. Il faut rester prudent et les médicaments entrainent des effets secondaires importants. Ils attaquent entre autres les reins. Ceux de M. Michaud fonctionnent environ à 35 % de leur capacité.
«Ils te donnent un cadeau, mais ils te rendent malade en même temps.» Pas la meilleure récompense quand on fait l’effort d’avaler un médicament qui «sent et qui goute le skunk (moufette)». Les médicaments affaiblissent le système immunitaire pour que le corps ne rejette pas le cœur, alors il faut éviter les maladies graves.
«Si tu travailles et que tu ne manges pas bien et ne prends pas soin» de ton cœur, la santé décline rapidement. M. Michaud a connu plusieurs autres receveurs de cœur de la région qui n’ont pas survécu plus de quelques années. Parfois parce qu’ils n’avaient pas la discipline pour bien prendre soin de leur santé, d’autres fois, ce sont les effets secondaires des médicaments qui les ont découragés.
«Il l’a rendu loin quand même ce cœur. Vingt-cinq ans, c’est un exploit médical, mentionne Mme Rhéaume. C’est de la discipline de prendre ses médicaments tous les jours aussi.»
Deux fois à l’hôpital
Marcel Michaud est natif de Rimouski, au Québec. Il est arrivé dans le Nord de l’Ontario pour travailler; ce qu’il a d’abord fait à Blind River. Il s’est ensuite promené, a travaillé pour des entreprises dans la région, dans l’Ouest du Canada et jusqu’au Yukon.
En 1995, à l’âge d’environ 45 ans, un blocage dans une artère de son cœur provoque une crise cardiaque. La douleur se manifeste par contre dans son dos. Comme il a déjà mal au dos en raison de son travail, il se rend à l’hôpital pour ce mal de dos, pas pour un problème de cœur.
Le premier médecin qui le voit ne fait aucune démarche pour vérifier si son cœur serait à l’origine de sa douleur et le renvoie chez lui après quelques heures et deux injections d’un médicament antidouleur. Quelques heures plus tard, ses reins ont arrêté de fonctionner. «J’étais en train de me noyer avec l’eau dans mes poumons», raconte-t-il.
«Retourne à l’hôpital et tout de suite, ils ont allumé. Mais il était trop tard. Le dommage au cœur était fait.» Il a été opéré d’urgence le lendemain pour débloquer l’artère et son cœur a arrêté de battre pendant quelques minutes. L’équipe médicale est parvenue à le réanimer.
«Trois jours après, quand je suis sorti du coma, le docteur Labonté est venu me dire : “Ok, ton cœur est fini. Il est juste à 12 %. Tu serais peut-être un candidat pour une transplantation de cœur”.»
Oliver
Un nouveau cœur n’est pas donné à n’importe qui. La personne doit habituellement être en santé et avoir une bonne hygiène de vie pour maximiser son espérance de vie. M. Michaud a pu être mis sur la liste d’attente. Il a attendu deux ans.
Deux années qui n’ont pas empêché M. Michaud de faire le terrassement — tranquillement — de la maison qu’il venait de faire construire à Chelmsford. «Il faut que tu bouges, que tu fasses quelque chose» pour ne pas trop y penser, dit-il.
La transplantation a eu lieu à Ottawa et s’est très bien déroulée. M. Michaud depuis donné un nom à cette présence, à ce cœur emprunté : Oliver. «Je lui parle. Je lui dis : “Viens, il faut que j’aille dans le jardin enlever les mauvaises herbes. Suis-moi!”».
Il a aussi dépassé un deuxième pronostic. En raison de ses dispositions génétiques, des artères de son deuxième cœur sont bloquées, mais les médecins ne peuvent plus l’opérer. On lui a donné deux ans à vivre… il y a trois ans.
L’importance du don d’organe
Au Canada, le don d’organes oscille autour de 20 personnes par million d’habitants. Jusqu’à huit organes peuvent être prélevés chez un donneur décédé, mais le nombre réel est habituellement plus bas. Pour le cœur par exemple, le donneur doit avoir moins de 35 ans pour être considéré pour une transplantation. De là l’importance que les plus jeunes y soient aussi sensibilisés.
«Je pense qu’il n’y a pas assez d’information qui se donne», avance M. Michaud. Il aimerait voir plus de campagnes qui font la promotion de son importance. À la limite, il aimerait voir le Canada emboiter le pas de pays européens où il faut faire une démarche pour être retiré de la liste le don d’organes, plutôt que d’en faire une pour en faire partie.
«C’est un don de soi qui ne coute rien», ajoute Hélène Rhéaume.
En Ontario, les informations pour s’inscrire à la liste se trouvent à l’adresse : https://www.ontario.ca/fr/page/inscription-au-don-dorganes-et-de-tissus-humains.