«Ils disent maintenant qu’un Canadien sur 50 est atteint du spectre de l’autisme», ajoute Mélanie Laurin, superviseure des services en français chez Autisme Ontario. «Et puis les études indiquent [que les nombres peuvent] être encore plus élevés que ça. Au total, ça représente 135 000 personnes autistes en Ontario.»
Même s’il y a d’importantes avancées sur le plan de la sensibilisation, Mélanie Laurin estime qu’il reste beaucoup de chemin à faire. «Ils pensent que c’est, comme on dit en anglais, one size fits all. Puis nous, souvent, ce qu’on dit, c’est pour ça qu’on appelle ça un spectre, chaque personne a ses différences.»
Mélanie Laurin donne l’exemple de la lumière et du son : certains sont sensibles à la lumière, d’autres aux sons, d’autres à la lumière et au son, d’autres ni à l’un, ni à l’autre.
Cindy Nadeau, de Moonbeam, veut que le grand public sache que le cerveau d’une personne autiste ne fonctionne pas comme celui des «autres».
Elle explique que son fils de 11 ans se régularise par la voix. «Il fait des cris, illustre-t-elle. C’est juste parce qu’il essaie de se stabiliser, et après ça, il est correct. Il n’est pas capable de parler comme les autres, donc il s’exprime de cette façon-là.»
«Il faut en parler»
«J’aime ça, en parler, comme ça le monde comprend», partage Cindy Nadeau. Elle a deux enfants :Megan et Teagan. Ce dernier est autiste de modéré à élevé avec un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Cindy Nadeau aimerait que les gens posent plus de questions. Elle ajoute : «Des mythes, il y en a tellement.»
La perception la plus tenace, à son avis, c’est que les autistes ne comprennent pas quand on leur parle. Elle cite l’exemple de son fils, «un p’tit gars de 11 ans» : «Il ne faut pas le traiter comme un bébé, il devient frustré», dit-elle. Il s’habille tout seul, il comprend ce qu’on lui dit. «Il ne va pas nécessairement [répondre] parce que sa réaction n’est pas pareille à la nôtre.»
Pas assez, encore
Stéphanie, mère d’un garçon autiste, trouve pour sa part que la sensibilisation comporte son lot d’inconvénients. «Si ça a aidé certains à être plus acceptants, pour d’autres c’est devenu une nouvelle façon de rire des gens. Les jeunes vont dire ”t’es autiste” pour rire de leurs amis.» Elle a d’ailleurs demandé de garder l’anonymat parce que son fils préfère taire son diagnostic. «Malheureusement, l’autisme est devenu une tactique d’intimidation chez les jeunes», a-t-elle observé.
Ce genre de discours n’étonne aucunement France Gélinas, députée néodémocrate de Nickel Belt et porte-parole de l’opposition en matière de santé. «C’est le genre de témoignage que j’entends tout le temps», rapporte-t-elle
Peu de services
Stéphanie estime que son fils, aujourd’hui adolescent, a été chanceux. Il a eu droit à presque 30 heures de thérapie par semaine, et ce, pendant de nombreuses années. «Par contre, l’enfant qui était derrière lui sur la liste d’attente n’a pas été aussi chanceux, rapporte-t-elle. Aujourd’hui, il n’a vraiment pas la même qualité de vie que mon fils.»
Aujourd’hui, tout le monde fait partie de la même loterie pour les services, qu’importe la sévérité du diagnostic, déplore Stéphanie. «On dirait qu’ils ne savent pas comment s’y prendre pour catégoriser les gens qui ont besoin d’aide», renchérit Cindy Nadeau.
Elle avance en essayant de se concentrer sur son fils, «sur ses besoins, sur qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse pour lui pour être capable d’évoluer.»
Les parents ont dû devenir des gestionnaires de cas, croit France Gélinas. «Ça devient une job à temps plein», poursuit la politicienne. Ceux qui n’ont pas droit aux services «regardent leurs enfants qui ont des besoins de plus en plus sévères. Quand ils viennent me voir, la plupart du temps, c’est en pleurant et en se disant au bout des finances.»
France Gélinas plaide pour un meilleur accès aux services — comme Autisme Ontario, indique Mélanie Laurin. Celle-ci observe que les services sont inégaux, d’une région à l’autre. «Si tu es au nord de l’Ontario, les choses sont très différentes que si tu es à Ottawa ou au centre de l’Ontario. Il y a des listes d’attente partout. Puis si tu es francophone, c’est pire.»