le Mercredi 13 novembre 2024
le Mercredi 12 juin 2024 9:00 Santé

Santé en français : un bilan qui ne rassure pas

Santé publique Ontario.  — Photo : Shutterstock
Santé publique Ontario.
Photo : Shutterstock
Le Commissaire aux services en français, Carl Bouchard, ne dresse pas une image reluisante de l’état des services de santé en français dans le Nord de l’Ontario. Il fait état d’une augmentation du nombre de plaintes.
Santé en français : un bilan qui ne rassure pas
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L’Assemblée générale annuelle du Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, tenue le 5 juin, au Centre de santé communautaire du Témiskaming, a été l’occasion de faire le bilan sur l’état des services en santé pour les francophones. 

Dans son discours comme président sortant, Collin Bourgeois – neuf ans au conseil d’administration, dont sept à la présidence – a traité de l’importance de créer des espaces en santé en français en Ontario. L’Entité de planification du Réseau encourage l’accès équitable des soins et des services de santé en français dans les communautés.

Interrogé par Le Voyageur, Collin Bourgeois reconnait qu’avec les règlements actuels qui affectent les services de santé, les moyens mis en place ne sont pas suffisants. Il assure que ce message a été transmis au gouvernement provincial. «On est censé avoir avancé, mais on se retrouve toujours à revendiquer des droits qu’on considérait comme acquis. C’est l’histoire qui se répète!». 

La nouvelle présidente du Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, Isabelle Charbonneau, présente un cadeau deremerciement à Colin Bourgeois, le président sortant.

Photo : Marc Dumont

Peu d’impact

Selon la directrice du Réseau, Diane Quintas,«le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario est le catalyseur du système de santé pour les francophones». 

Elle affirme que «les Services de soutien à domicile et en milieu communautaire, qui embauchent 9 000 employés ont mis en œuvre une politique selon laquelle tous les employés doivent compléter la formation offre active». Mme Quintas précise que «pendant l’exercice 2023-2024, un total de 8083 personnes ont complété la formation».

Les choses ont encore bien évolué à l’entame de l’exercice de l’année 2024-2025, puisque la directrice du Réseau assure que «100 % des employés ont complété la formation, et que ce fournisseur a obtenu un certificat d’achèvement».

«Nous allons évaluer l’impact de notre travail. Nous allons  travailler aussi sur un rapport avec 34 recommandations pour, entre autres, fournir une liste de cheminements, afin qu’il y ait plus d’engagement de la part des institutions désignées à prendre le virage de l’offre active», ajoute Diane Quintas. 

L’Entité de planification des services de santé pour les francophones avise le gouvernement et les institutions qui en relèvent. Diane Quintas admet, cependant, que cela a peu de poids. 

«Il n’y a rien qui dit qu’il va y avoir du changement ou du moins une réponse à nos avis. La formation sur l’offre active a été faite avec l’argent du fédéral et je l’ai proposé au provincial qui l’a accepté. C’est toujours un défi», dit-elle.

L’Assemblée générale annuelle s’est terminée avec une nouvelle présidente, en la personne d’Isabelle Charbonneau de Nipissing-Témiskaming, alors que Patrick Timony de Sudbury occupe désormais la vice-présidence.

Hausse des plaintes

À la suite de l’Assemblée générale annuelle, le commissaire aux services en français, Carl Bouchard, a brossé un tableau sur son implication en santé*.

Entre le 1er mai 2019 et le 30 septembre 2023, il a reçu 1445 cas, entre plaintes et demandes de renseignements.

Rien qu’entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, l’Unité des services en français a reçu 386 cas. Entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022 elle avait reçu 277 cas. Ce qui représente une augmentation de 40%.  

Cette augmentation des plaintes met M. Bouchard dans une meilleure position pour revendiquer plus de moyens pour faire respecter la loi sur les services en français. «Mon rôle est de s’assurer que les droits sont connus et respectés. J’ai accordé beaucoup d’importance à l’unicité des cas en santé.»

Le Commissaire Bouchard insiste sur l’impérative d’«utiliser les services en français qui devraient nous être offerts activement».

«On le fait parce qu’il s’agit d’un droit et non pas d’une faveur. C’est un droit qui nous est dû et qu’on peut exercer. C’est un service auquel on peut avoir accès». 

De ce fait, il invite tout le monde à partager son expérience avec ses services. «Venir chez nous, ce n’est pas sorcier et c’est toujours une bonne idée. Mon message est que vous vous sentirez la bienvenue. Ça permet d’intervenir avec des résultats positifs. Ça nous permet aussi de rapporter les problèmes et les tendances pour la progression des services et la mise à jour des règlements. Cela sert également à entretenir le lien avec les francophones et comprendre comment ils vivent avec ces réalités.»

Il ajoute : «Il ne faut plus qu’il y ait d’incident comme celui de cette dame âgée qui avait eu une note sur son oreiller Please speak english. La famille s’était plainte et c’est comme ça qu’on a pu intervenir. Mais encore faut-il que nos services soient connus, que les droits soient exercés, qu’on soit pas gêné de parler français, qu’on soit pas intimidé par ça».

Le bureau du Commissaire aux services en français rencontre aussi plusieurs groupes et communautés de la francophonie ontarienne. «Il faut que ce soit clair pour la population. Parler de son expérience fait parler la loi. Ça permet aussi d’évaluer si les besoins concordent avec les ressources». 

Côté personnel de première ligne, le Commissaire Bouchard met l’emphase sur la question de la formation, une recommandation qu’il avait formulé au gouvernement et qui figure dans son dernier rapport annuel de décembre 2023.  

«Je me suis vraiment penché sur la formation non seulement des francophones qui vont devoir offrir un service, mais des anglophones qui œuvrent au sein des organismes gouvernementaux et qui vont avoir à interagir avec un ou une francophone. Cela leur permettra de pouvoir les guider vers la personne à même de fournir ce service». 

Ce qui donne, aux yeux du Commissaire Bouchard, du personnel de première ligne «qui est au fait des responsabilités, des obligations, des processus internes pour offrir des services en français, et que ce service-là soit ultimement offert».

Le ministère de la Santé s’est engagé à faire une évaluation de la qualité des services de santé pour les francophones, mais il n’y a présentement aucune indication quant à la nature de cette évaluation ou des dates de début ou de fin.

 

Des prix de reconnaissance

Le Réseau a décerné trois prix de reconnaissance. Le premier a été remis à PHARA de North Bay. Cet organisme s’occupe de l’autonomie des adultes et de leur logement. Son directeur général, Mike Van der Vlist,  a introduit des changements afin de répondre aux besoins des francophones dans leur langue : «Il y a beaucoup d’excuses dans le monde de la santé pour ne pas prendre le virage afin de répondre aux besoins des francophones. Ils s’en foutent! L’excuse du manque de temps, de ressources ou de personnel est un mensonge odieux! C’est un refus de faire ce qui est exigé. C’est en français que les francophones peuvent le mieux exprimer leurs besoins».

Le deuxième prix, celui de l’engagement avec les partenaires communautaires, a été remis à Formation Plus de Chapleau, qui active dans le domaine de l’éducation des adultes. La formation en français se donne au centre ou dans le lieu de travail des apprenants. Sa directrice, Johanne Alain, a relevé l’impact positif et la différence que cela a apporté chez les apprenants adultes.

Enfin, le prix du ou de la bénévole a été remis à Anne Proulx-Séguin de Sturgeon Falls. Anne est une bénévole de longue date dans le domaine de la santé. Elle est une des membres fondatrices du Centre de santé communautaire de Nipissing-ouest et une de celles qui ont travaillé au programme de formation en offre active. «Aujourd’hui, les gens en santé sont plus conscients et il y a plus de visibilité du français. C’est une amélioration.»

* Les citations de M. Carl Bouchard ont été corrigées dans cet article, suite à un erratum adressé au Voyageur par le bureau du Commissaire aux services en français. Nos excuses à M. Bouchard et à nos lectrices et lecteurs pour les malencontreuses erreurs survenues dans la version originale de l’article.