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le Dimanche 19 novembre 2023 6:30 Société

L’église Notre-Dame-de-Bon-Secours est encore au coeur de la communauté

L’église Notre-Dame-de-Bon-Secours au cœur du village de Belle-Vallée — Photo : Marc Dumont
L’église Notre-Dame-de-Bon-Secours au cœur du village de Belle-Vallée
Photo : Marc Dumont
Belle-Vallée — L’église Notre-Dame-de-Bon-Secours au cœur du village de Belle-Vallée est un bâtiment particulier autant par son architecture que par son histoire. Malgré le petit nombre de paroissiens, l’église est gardée dans un bon état et sert encore aujourd’hui.
L’église Notre-Dame-de-Bon-Secours est encore au coeur de la communauté
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«L’église de Belle-Vallée est la seule en pierre taillée de cette dimension au Canada», affirme Roland Lachapelle, 91 ans, qui se souvient des débats entre les adultes du village à propos de ce projet de construction. Malgré cette particularité, l’église n’a pas de statut patrimonial officiel

Belle-Vallée est un de ces villages éloignés des routes plus achalandées où la population est largement francophone. À partir de New Liskeard, direction nord, on s’y rend en suivant la route 11 puis la route 599. La route dévale dans une vallée agricole qui nous mène au village de Belle-Vallée. Rendu là, impossible de ne pas être médusé par l’église Notre-Dame-de-Bon-Secours.

Les rêves de Joseph Anicet Génier

L’histoire de l‘église commence avec son prêtre colonisateur dont la personnalité était plus grande que nature : l’abbé Joseph Anicet Génier. Il voulait une église en pierre alors que plusieurs paroissiens la voulaient en bois. À ceux qui le prévenaient que l’église en pierre s’enfoncerait parce qu’elle serait érigée sur de la glaise, il répondait : «Elle va flotter comme un navire et c’est la Vierge Marie qui en sera le capitaine».

Roland Lachapelle, secrétaire-trésorier de la paroisse Notre-Dame-de-Bon-Secours à Belle-Vallée

Photo : Marc Dumont

Roland Lachapelle, actuel secrétaire-trésorier de la paroisse, raconte aussi : «À la fin d’une réunion de planification avec les paroissiens, le curé Génier aurait déclaré : «C’est moi et mon évêque qui allons décider». À cela, mon grand-père lui aurait dit : «Vous la construirez tout seul!».

L’église a donc été construite en pierre, tout de même avec l’aide des paroissiens. Le curé Génier voyait grand : elle mesure 155 pieds sur 55. À cette époque, de plus en plus de familles viennent s’installer dans le coin et les emplois créés par l’ouverture de la mine Casey permettaient au curé de rêver. «Il pensait que la région viendrait comme celle de Sudbury. Ça ne s’est pas matérialisé», ironise Roland Lachapelle.

Il faut dire que le curé Génier était un homme aux mille métiers. Même s’il a dirigé la paroisse pendant 44 ans, la prêtrise était une vocation tardive. «C’était un petit prêtre au regard vif et à la démarche décidée», écrivait Thérèse Renaud-Saintonge. «L’abbé Génier s’y connaissait, ayant construit l’église de North Cobalt et surveillé la construction de la cathédrale de Haileybury.»

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Photo : Marc Dumont

La construction

La construction officielle débute en 1945. Mais avant, il a fallu au moins quatre ans pour que les paroissiens ramassent assez de pierres. «Il y avait une petite montagne de roches derrière l’emplacement de l’église. Ça se faisait en hiver : pour le transport des roches, c’était plus facile», explique Roland Lachapelle. Outre cette contribution au projet de construction de l’église, chaque paroissien devait fournir un bouvillon (un jeune bœuf castré).

À cause de la glaise, ils ont dû creuser la cave à la pelle avec l’aide de chevaux et de charrettes; le bélier mécanique s’enfonçait.

«Ce qui est propre à notre église, c’est que l’extérieur est entouré d’un rosaire sculpté à même la roche. Sur la façade, une croix de roche marque le commencement du rosaire qui se prolonge en dizaines sur les côtés», note la paroissienne Thérèse Renaud-Saintonge.

À l’intérieur, il y a un autel dans le sanctuaire qui avait servi autrefois à dire la messe. «Cette table a été faite d’une pierre énorme retirée d’un ruisseau près de Nédelec. À sa sortie, c’était un bloc de granite de trois pieds d’épaisseur, de 42 pouces de largeur et de 12 pieds de longueur», raconte Thérèse Renaud-Saintonge. 

«Le curé Génier avait un don pour trouver des choses pour l’église. Il marchait des milles et des milles dans la nature», dit Roland Lachapelle.

Gardée en bon état

Aujourd’hui, l’église de Belle-Vallée a un toit tout neuf. «Le diocèse [de Timmins] nous a aidés. Ça n’a rien couté à la paroisse», dit Roland Lachapelle. Cette rénovation avait été une source d’inquiétude financière à cause du petit nombre de paroissiens.

La source potentielle d’inquiétude suivante a été le clocher. Il penche de trois degrés vers l’avant à cause de la glaise. «J’ai dû réparer des vitres dans le clocher et refaire les bords avec du ciment il y a sept ou huit ans. Elles étaient craquées. Mais le clocher est stabilisé et n’est pas à veille de tomber», assure Roland Lachapelle.

Le câble de la cloche a aussi été changé, mais l’ancien est : «resté comme une relique», ajoute-t-il.

Roland Lachapelle est attaché à l’église de son enfance. Il se rend de New Liskeard à Belle-Vallée tous les dimanches. «Mon père et toute la famille se sont mariés à l’église de Belle-Vallée. Puis c’est là que j’ai rencontré ma femme lors d’une réunion de Lacordaire dans le sous-sol de l’église.» Cet attachement est aussi celui de la quarantaine de familles qui soutiennent généreusement leur paroisse, selon M. Lachapelle.

Il partage une anecdote d’un autre temps. «Tous les premier juillet, la coutume voulait que tous les paroissiens se massent sur les marches devant l’église pour chanter l’Ô Canada et procéder au lever du drapeau. Cet honneur revenait au maire. Une année, pendant que j’étais maire, j’ai laissé Joseph St-Amant lever le drapeau à ma place. Il bombait le torse. Il était si content et si fier qu’il n’arrivait pas à lâcher le câble du mât. Il en a fait sourire plusieurs», s’amuse Roland Lachapelle.