le Lundi 16 septembre 2024
le Mardi 21 mars 2023 11:09 Courrier des lecteurs

Un manifeste jeunesse pour une université «par et pour» les francophones à Sudbury

  Photo : Archives Le Voyageur
Photo : Archives Le Voyageur
Lettre ouverte — La légendaire jeunesse franco-ontarienne a toujours su résister.
Un manifeste jeunesse pour une université «par et pour» les francophones à Sudbury
00:00 00:00

Cette jeunesse qui, après le Jeudi Noir en 2018, allait descendre dans les rues de Toronto à Kapuskasing pour réclamer un financement pour l’Université de l’Ontario français et le Commissariat aux services en français et ouvrir la voie à la plus grande mobilisation populaire de l’histoire franco-ontarienne. 

Celle qui, en 1992, manifeste par milliers pour un réseau de collèges francophones du nord, au sud et à l’est de la province. Qui, pendant les années 1970, mène la lutte pour nos écoles secondaires de langue française. Qui, au début du 20e siècle, allait résister au Règlement 17 en ignorant la loi qui interdisait l’enseignement en français en Ontario. 

Les jeunes étaient aux premières lignes. Et nous revoilà, notre lutte inachevée. 

Il y a deux ans déjà, l’Université de Sudbury redevenait francophone, forgeant son chemin vers l’avenir sur plus d’un siècle de contributions à l’éducation en français et à la construction identitaire du nord de l’Ontario, mettant au clair sa volonté d’être une institution «par et pour» l’Ontario français. 

Au moment où se dessine l’avenir de cette institution, nous devons à nouveau agir pour l’éducation universitaire de langue française en Ontario. Nous devons réclamer le rêve de générations de jeunes du nord de la province en exigeant le financement fédéral et provincial de l’Université de Sudbury.

Dans le cadre de ses consultations auprès des communautés de l’Ontario français, question de comprendre nos besoins et nos aspirations, l’université a consulté des centaines de jeunes, parents et membres de la communauté. 

Nous étions de ce collectif.

Durant ces consultations, nous avons exprimé ce que notre génération exige de son institution — car si elle doit être «par et pour» les francophones, cette université doit aussi être «par et pour» la jeunesse franco-ontarienne. 

Elle doit être ancrée dans une bonne gouvernance et dans la transparence, rendant des comptes sur les financements octroyés au nom de notre francophonie et mettant ces financements à l’œuvre de la protection de nos acquis. 

Elle doit faire preuve d’une communication continue avec nous, étudiantes et étudiants, assurant sa modernité afin qu’elle puisse s’adapter à l’environnement changeant du marché du travail. 

Elle doit être engagée de tout cœur dans la voie de la vérité et de la réconciliation auprès des Premières Nations, Inuit et Métis à N’Swakamok. Cette relation doit être fondée sur la reconnaissance du caractère particulier et des besoins sociaux du Nord de l’Ontario en tant qu’arrière-pays colonisé avec une grande diversité culturelle. 

Elle doit être multiculturelle et riche des accents de notre mosaïque. Elle doit être, ici en milieu franco-minoritaire, un phare du possible pour tous les jeunes franco-ontariennes et franco-ontariens, nés ici ou ailleurs. 

Elle doit tisser des liens avec la communauté afin d’assurer l’avenir du fait français dans la région, nous ancrant fermement dans la société francophone du nord de l’Ontario et dans la francophonie canadienne et mondiale. 

Elle doit prioriser l’expérience étudiante — en français. Non seulement doit-elle offrir des services dans notre langue, elle doit cultiver le cœur et l’âme de notre francophonie, nous offrant la richesse d’une culture sur campus qui nous permet de nous affirmer comme jeunes francophones.

Elle ne doit pas perdre le nord — et nous ne devrions pas être obligés de quitter la région afin de poursuivre nos études en français au niveau universitaire. Elle doit être redevable aux jeunes d’ici, une ville où le français est la langue parlée du tiers de sa population.  

Cette université est notre manifeste. Cette institution, c’est l’Université de Sudbury.

Nous sommes les héritières et héritiers de celles et ceux qui sont passés par cette institution du savoir. Des jeunes rebelles qui ont joué Moé j’viens du Nord s’tie, qui ont organisé le Congrès Franco-Parole, qui ont fondé l’Association des étudiantes et étudiants francophones (AEF) et qui ont créé et fait flotter le drapeau franco-ontarien, nourris de l’expérience, du dynamisme et de la tradition de l’Université de Sudbury. 

En cette fin de mois de la Francophonie, alors que se décide l’avenir de l’éducation postsecondaire à Sudbury, la jeunesse franco-ontarienne doit reprendre parole. Elle doit exiger son université — et son financement fédéral et provincial immédiat. Car c’est elle qui nourrira nos rêves les plus extraordinaires et animera la folie du collectif — celle d’oser rêver et d’apprendre en français.

• • •

Marie-Pierre Héroux est étudiante aux études supérieures à l’Université d’Ottawa. Elle est une ancienne étudiante du feu programme d’Histoire à l’Université Laurentienne. 

Philippe Mathieu est un artiste, enseignant et journaliste franco-sudburois. Il est un ancien des programmes d’Éducation et du feu programme de Music à l’Université Laurentienne.