le Lundi 17 février 2025
le Jeudi 22 juin 2023 11:25 Courrier des lecteurs

Le français : un défi dans les écoles francophones

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Cet article représente les opinions et les perspectives de deux élèves du secondaire, inscrites à l’école française dans le Nord de l’Ontario. Il ne reflète pas exclusivement la situation du conseil scolaire auquel appartiennent ces auteures, mais il résulte de conversations et d'observations partagées par plusieurs élèves en province.
Le français : un défi dans les écoles francophones
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Mise en contexte

L’école est un milieu de vie qui permet de se découvrir, de s’épanouir et de s’affirmer comme personne. Elle joue un rôle clé dans la construction identitaire des élèves. Les années passées à l’école secondaire, en particulier, sont des années cruciales pour les jeunes. Entre autres, elles leur permettent de confirmer leur appartenance à la communauté franco-ontarienne.

Cependant, ceci n’est pas possible quand nous remarquons que la jeunesse en générale attribue très peu d’importance à leur francophonie et à leur culture. De tels défis ne datent pas d’hier — ils préoccupent notre communauté depuis longtemps.

Le déclin du français parlé dans les écoles de langue française est un enjeu qui menace le bienêtre et la pérennité de la communauté franco-ontarienne. Ce déclin est attribuable à plusieurs choses : un manque de fierté chez les jeunes, le manque de sentiment d’appartenance, une insécurité linguistique ou même certains enjeux régionaux.

Insécurités et les racines du problème 

Le problème se manifeste dans les écoles partout en province. Les stéréotypes envers les francophones existent depuis des décennies, mais empirent de nos jours. On entend que des élèves francophones se font agacer pour leurs accents «trop français», mettant en évidence les préjugés que plusieurs jeunes portent contre la langue et la culture francophone. Ils passent des commentaires défavorables contre la langue française, montrant à quel point ils se dissocient et qu’ils n’ont pas un sentiment d’appartenance à la communauté francophone. Quand les jeunes attribuent peu d’importance à leur francophonie, ça présente un problème à plus grande échelle pour la communauté franco-ontarienne dans son entièreté. Une langue qui n’a pas de vie chez les jeunes n’a pas d’ancrage et ne sera, donc, pas durable.

Pour tenter de remédier à cette situation, certaines écoles limitent les apprentissages en français afin d’éviter de telles insécurités linguistiques, permettant aux jeunes de s’exprimer dans la langue de leur choix, outre le fait qu’ils fréquentent une école francophone. Ça fait en sorte que les écoles de langue française deviennent tranquillement des écoles bilingues, ou bien majoritairement anglophones.

Certains enseignant.e.s, choisissent de distribuer des ressources, des devoirs ou même faire des leçons en anglais. Au lieu de traduire un texte en français et devoir l’expliquer à maintes reprises pour que l’élève comprenne, certains enseignants préfèrent passer de la matière en anglais. Ceci cause un grand défi dans les écoles francophones, parce qu’on encourage les élèves à ne pas s’améliorer en français, à ne pas se pratiquer, à ne pas comprendre l’importance d’une éducation en français. Les élèves ne pourront jamais apprendre le français si on accommode la population d’étudiants qui sont dans les écoles françaises, mais ne comprennent pas aussi bien le français. Il faut également normaliser les accents francophones en encourageant les élèves à parler le français malgré leurs accents. Après tout, on nous le chante depuis notre enfance, comme nous le dit le Notre Place par Paul Demers : «Il faut mettre les accents là où il le faut!» 

Les élèves, malgré le fait qu’ils sont inscrits à des écoles de langue française, perdent leur français.

L’apprentissage et l’aspect culturel

Dans plusieurs écoles, les rappels aux élèves de parler en français sont raréfiés. Ainsi, les élèves ne voient pas l’importance de parler en français, car souvent on finit par leur parler en anglais, afin de les accommoder. Les élèves, malgré le fait qu’ils sont inscrits à des écoles de langue française, perdent leur français. Dans quelques écoles, on remarque que les profs parlent en anglais avec les élèves, dans les corridors et les salles de classe, perdant la volonté de continuellement devoir rappeler aux élèves de parler en français.

Parfois, dans le cadre de certains cours, la musique, des films et vidéos sont présentés en anglais. Pourtant, de simples gestes comme jouer de la musique en français lors d’évènements, de danses scolaires, dans le gymnase ou bien simplement parler à ses élèves en français en tout temps, encouragent les élèves d’accorder un sens d’appartenance à leur langue. Si les élèves ne sont jamais exposés aux aspects culturels de leur langue, comme la musique, c’est certain qu’ils vont continuer à penser que le français n’est pas «cool». Il faut pouvoir montrer aux élèves que le français c’est plus que juste une langue parlée à l’école, mais qu’au fait, c’est une culture, une langue essentielle en Ontario.

Le manque d’utilisation de français n’a pas simplement lieu dans les salles de classes, mais aussi à l’extérieur de l’école. L’apprentissage débute à la maison. Si les élèves n’ont jamais été exposés à des apprentissages et des aspects culturels à la maison, ils auront de la misère à avoir un sentiment d’appartenance lorsque le français n’est que parlé à l’école.

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Le Voyageur offre une vue d’ensemble de la francophonie et de la vie dans le Nord-Est de l’Ontario.

Solutions

Afin d’assurer que la future génération de Franco-Ontariennes et de Franco-Ontariens puisse aller à l’école française et se faire enseigner en français, il est important que les jeunes d’aujourd’hui trouvent et transmettent leur fierté francophone aux autres qui les entourent. Même si la situation pourrait sembler désespérante, il y a des solutions. Pour mieux comprendre son histoire en tant que Franco-Ontarien, ça prend l’enseignement de l’historique de sa communauté. Cet enseignement devrait se faire dans les salles de classe, afin d’entrainer un sentiment d’appartenance chez les élèves.

Parlons de ressources culturelles; il faut favoriser la consommation de la culture française dans les écoles. Le terme «culture» englobe la musique, les vidéos, les affiches, les médias, etc. Dans ce même but, il faudrait offrir plus d’expériences d’apprentissages enrichissantes en français, comme des camps de leadeurship plus fréquents ou plus d’activités dans les écoles. C’est pour cela qu’il est si important de reconnaitre l’importance de l’animation culturelle dans les écoles, qui permet la mise en oeuvre de telles activités.

D’ailleurs, il faut reprendre le contrôle des écoles françaises et arrêter d’avoir peur d’encourager l’utilisation du français. Il ne faut pas accommoder les anglophones au détriment des élèves francophones. Il faudrait faire des suivis dans les écoles afin d’assurer que l’enseignement et les devoirs soient toujours livrés en français. 

Conclusion

Pour préserver notre identité franco-ontarienne, son existence doit être semée dans les écoles. Mais comment faire? Il faut encourager l’utilisation du français, commençant à la maison dès un jeune âge et continuant même au-delà du secondaire. Il faut montrer l’importance du français — démontrer que notre langue est belle et unique. Il faut renforcer la notion que notre langue nous ouvre des portes et qu’il est important de l’implémenter dans son quotidien. Il faut montrer que ça fait partie de son identité comme individu. Tout ça pour faire en sorte que les écoles francophones de la province redeviennent des pierres angulaires de la francophonie, afin qu’elles habilitent la construction identitaire, naissent le sentiment d’appartenance et avivent la fierté.

L’état du français dans les écoles de langue française en Ontario est inquiétant et, franchement, critique. Il est impératif qu’on amorce une réforme dans nos écoles pour assurer la pérennité de la langue française. Si on ne fait rien, on va perdre toute une génération de francophones. Il faut alors encourager les jeunes, assurer que la fierté francophone soit transmise, qu’un sentiment d’appartenance à la communauté soit attribué et que même en contexte minoritaire, les francophones soient représentés et entendus.

 

par Addison Bond et Émilie Denis-Plante