Tous les jeudis midis, le lunch est servi, soit aux tables, soit pour emporter. On sert «tout le monde et n’importe qui; qui est seul ou triste, peu importe», indique la responsable de la cuisine, Amanda Rickard.
Dès le premier service, en juillet, Amanda Rickard savait que l’initiative connaitrait du succès.
Quelque mois plus tard, une quarantaine de bénévoles veillent à tour de rôle à la préparation et au service du repas hebdomadaire, prévu pour 200 personnes. S’il en reste, les portions sont congelées et s’il en manque, l’équipe prépare une soupe. «On s’organise pour que ça marche. On trouve toujours un moyen pour que ça fonctionne», lance Amanda Rickard.
Chaque semaine, de 150 à 250 personnes se mettent à table grâce à la Bedaine pleine et la cuisine roule avec un budget minimum de 150 $ par semaine, nous dit Amanda Rickard. «Je sais comment étirer un dollar», fait-elle valoir. À ce montant s’ajoutent des enveloppes prévues à des fins précises.
Par exemple, une propriétaire d’entreprise qui veille à l’achat d’œufs et de légumes a refusé qu’on remplace le beurre par un produit meilleur marché. La donatrice a dit simplement à l’initiatrice : «Je t’achèterai du beurre. Laisse-les profiter du luxe comme du beurre.»
Et ça fait partie du but de la cuisine Bedaine pleine : offrir un bon repas. «Le fromage, la crème sure, la vraie crème à café, c’est un luxe qu’on veut offrir», illustre Amanda Rickard.
«Il y a des enfants qui demandent comment avoir accès, partage Julie Tremblay. Ils disent : “Mes parents ne sont pas toujours là. Est-ce que je peux y aller sans mes parents?” Ça touche. Ça fait mal.»
Elle a d’ailleurs quelques cordes à son arc. «J’ai quelques recettes qui vont faire tomber les gens à la renverse», lance-t-elle, fière. Un rôti de bœuf, apprêté avec «la coupe que personne ne veut», est le repas qui a suscité les plus vives réactions. «C’est une recette que je fais à la maison et tous mes enfants en mangent (ce qui est incroyable, parce que j’ai des mangeurs capricieux). Ça fond dans la bouche. J’ai reçu tellement de messages!»
Bénévoles : pas un souci
Besoin il y a et appétit il y a. «Les gens se présentent. Ils veulent soit manger, soit aider!»
La fourchette de convives est large : il y a d’anciennes personnes sans abri comme des gestionnaires qui versent des dons pour leur repas. «Peu importe si tu as des milliards en banque ou rien du tout, il y a de la place pour toi», confirme la cuisinière en chef.
Les bénévoles viennent aussi de tous les milieux, mais Amanda Rickard a remarqué une écrasante majorité féminine et la présence de nombreux entrepreneurs. «On a beaucoup de plaisir. On chante dans notre cuisine, on danse, on fait des cercles de partage, on fait un smudge avant de commencer le travail.»
Questions de gouvernance
«Il y a un gros besoin», constate une des personnes qui assure la vitalité de l’organisme à naitre, Julie Tremblay. L’entrepreneure parraine depuis quelques années un diner de Noël pour nourrir et briser l’isolement. En faire une entreprise hebdomadaire coulait de source.
L’idée a pris forme dans les bureaux de JT&Co. Au bureau, Julie Tremblay (la propriétaire) et Amanda Rickard (une membre du personnel) ont parlé de l’importance d’une soupe populaire pour la communauté. L’entrepreneure a proposé à l’employée des heures et les fonds nécessaires pour offrir les premiers repas, en espérant que la communauté emboite le pas — ce qu’elle a fait avec enthousiasme.
Un comité travaille à la fondation officielle de l’organisation qui opère pour l’instant sous le parapluie du Fonds du père Noël — aussi utilisé par le club Rotary et la banque alimentaire, souligne Julie Tremblay. Des bénévoles veillent à la rédaction des politiques, à la trésorerie, au financement et à la coordination des bénévoles.
De plus, le Kapuskasing Indian Friendship Centre a joint l’initiative en obtenant des fonds pour financer le salaire de la coordonnatrice. «Ça assure une continuité à long terme, note Julie Tremblay. On regarde comment financer [plus de] salaires.»
Objectif croissance
«Je suis triste qu’il y ait tant de personnes qui aient à venir à la cuisine, reprend Amanda Rickard. Si je pouvais en faire plus, j’en ferais sept jours par semaine. Déjeuner, diner souper. Je crois qu’on construit quelque chose de grandiose, qui ne peut que grandir.»
L’initiative a été remarquée. Certaines communautés environnantes ont déjà approché l’organisation. «[Elles] souhaitent ouvrir une cuisine selon notre modèle, rapporte Mme Rickard. S’agit de trouver quelqu’un qui aime autant la nourriture et le monde que moi!»