le Lundi 9 septembre 2024
le Mercredi 17 mai 2023 0:41 Société

Bispiritualité : Un concept plus ancien que les genres

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Bien avant que les Européens arrivent et imposent leur vision du monde, les Nations de l’Amérique acceptaient la fluidité des genres englobée dans leur conception de la bispiritualité. Cette compréhension qui semble récente dans la société occidentale est en fait peut-être plus vieille que les religions qui ont imposé le modèle homme/femmes, ou binaire, de la sexualité.
Bispiritualité : Un concept plus ancien que les genres
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La Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie est la biphobie aura lieu le 17 mai. La campagne de cette année rappelle que les phobies «sont des peurs irrationnelles», donc des peurs qui ne sont pas provoquées par un véritable danger. Le contraire des phobies serait peut-être l’acceptation. Et peu de concepts répondent mieux à cette description que celui des la bispiritualité chez les Premières Nations.

Comme l’explique le professeur de l’ancien programme d’Études autochtones de l’Université de Sudbury, Will Morin, il s’agit d’un terme large qui inclut tous les autochtones qui ne se reconnaissent pas dans le concept binaire à propos des genres des blancs.

«Dans plusieurs communautés autochtones, il y avait plus que deux genres. Il y avait cette compréhension de la bispiritualité — qui fait référence à l’esprit femme et à l’esprit homme —, comme étant une échelle variable entre les deux», explique M. Morin, de la Nation Anishinaabe. 

Pour bien comprendre ce concept, explique-t-il, il faut avant tout comprendre la façon dont la plupart des Premières Nations voient l’univers. M. Morin compare la notion masculin/féminin de la langue française à la notion d’animé/inanimé (ou vivant/non vivant) que l’on retrouve dans la langue anishinaabemowin. 

D’ailleurs, le terme «bispiritualité» est la traduction du terme «niizh manidoowag» de cette langue.

«Ce principe est une conception des choses qui va au-delà des genres. Cette conception perçoit l’univers comme étant composé de choses avec et sans esprit (ou âme).» 

À la base, tous les humains possèdent deux esprits, puisqu’ils sont les descendants d’un homme et d’une femme. «Alors nous avons tous en nous la possibilité d’être homme ou femme», poursuit M. Morin. Mais ce n’est pas la biologie qui détermine le genre d’une personne, mais bien «les instructions données à notre esprit. L’esprit n’a pas de genre».

Ainsi, le concept englobe aussi bien les choix d’identité sexuelle, d’habillement, de partenaire, etc. Toutes les combinaisons font partie de cette «échelle variable».

Respect du choix

«Les valeurs des nations autochtones incluent aussi la compréhension que je ne peux pas me mettre en travers de ton chemin, de tes instructions», indique M. Morin. L’identité est donc un choix personnel, un choix qui appartient entièrement à la personne.

Cette idée, croit-il, est plus difficile à comprendre lorsque l’on a été élevé dans la culture occidentale, où beaucoup de valeurs sont imposées et où les divergences à celles-ci sont réprimandées. «Une société en santé a besoin de diversité», rappelle le professeur. 

De son point de vue, à partir de ses valeurs, la binarité des genres est un concept capitaliste. Car seul un couple formé d’un homme et d’une femme pourra produire «les futurs consommateurs». 

Les personnes bispirituelles ne sont pas limitées dans les rôles qu’ils peuvent jouer dans leurs communautés. Comme le rappelle M. Morin, ce sont les instructions à l’esprit qui prévalent. S’iel veut être chasseur, iel peut être chasseuse, peu importe ses autres identités.

La version complète de ce texte a été publiée dans Le Voyageur du 10 mai. Pour ne rien manquer, abonnez-vous ici.