S’il y a une chose qui attise la curiosité des journalistes, c’est bien le «spin». Le spin, c’est ce que font des dirigeants, souvent des politiciens, pour transformer une situation dévastatrice en situation pas-si-pire-que-ça. Ça marche comme ça. Face à un problème désastreux, on fait d’abord appel aux relations publiques pour dénicher un petit aspect positif dans le désastre et on élabore un message axé sur cet aspect. C’est ensuite le seul message qui sera véhiculé par l’organisme auprès des médias, donc de la population.
En fait, le spin, c’est de la désinformation.
Les dernières nouvelles de l’Université Laurentienne sur ses inscriptions de cet automne en est un exemple. L’université célèbre le fait que ces inscriptions dépassent ses prévisions. Never mind que ses prévisions aient été basées sur le scénario le plus pessimiste possible, on applaudit ce «succès». Never mind que les inscriptions représentent quelques 1264 étudiants de moins (13,66 %) qu’il y a un an, on spin ça comme étant un succès.
Face à ce genre de rhétorique qui inclut des statistiques auxquelles les journalistes n’ont pas accès, il est difficile pour les médias de cerner la vérité. Dans le cas du communiqué de la Laurentienne, Le Voyageur a cependant reçu un document anonyme qui présente d’autres statistiques et qui les analyse en profondeur. Une vérification auprès de certaines personnes au fait du dossier nous indique que l’analyse est fiable. Voici donc quelques détails qui en ressortent.
D’abord, cette baisse de 13,66 % est calculée sur le nombre d’étudiants, pas sur l’équivalence d’étudiants à plein-temps (ÉÉPT), sur laquelle est basé le financement provincial. Or il appert que, cet automne, les étudiants inscrits suivent moins de cours que l’an passé, ce qui se traduit par une baisse en ÉÉPT de 15,11 %. Il en résultera donc une réduction équivalente du financement provincial.
Mais c’est le nombre total de nouvelles inscriptions (première année, tous cycles confondus) de cet automne comparé à 2020 qui est le plus problématique. Le nombre de nouveaux étudiants a fait une chute de 32,22 % (32,9 % en ÉÉPT). Voilà une statistique qui se rapproche des chiffres du Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario et qui se répercutera sur les prochaines 3 ou 4 années d’un cours universitaire. Ayoye!
Pour les programmes en français, la situation est encore plus désastreuse. On y recense une chute de quelque 30 %, en grande partie à cause de programmes qui ont été coupés. Mais il n’en reste pas moins que même les programmes qui restent subissent un déclin de 17,6 %.
On comprend bien sûr que la Laurentienne veuille présenter un visage plus souriant, mais «spinner» la réalité nuit à sa crédibilité. L’université aurait dû comprendre ça en voyant la réaction publique à sa décision d’utiliser la Loi sur les arrangements avec les créanciers (LAAC) pour masquer sa réalité financière.
Le Nord-Est de l’Ontario a besoin d’universités solides sur lesquelles nous pouvons nous fier. La Laurentienne, quel que soit son avenir unilingue ou bilingue, doit en faire partie. Pour ce, elle doit reconquérir notre appui. Ce n’est qu’en étant transparente qu’elle l’obtiendra.