le Mardi 17 septembre 2024
le Mercredi 7 Décembre 2022 10:46 Éditorial

Du pain et des jeux

  Photo : Emilio Garcia ssur Unsplash
Photo : Emilio Garcia ssur Unsplash
Éditorial — Les Romains avaient inventé une méthode quasi infaillible pour pacifier la populace. Donnez-lui du pain et des jeux et le peuple restera tranquille, disaient-ils. De là le Colisée de Rome ainsi que toutes les arènes qu’ils ont érigées dans les territoires conquis. Cela a fonctionné pendant quelques siècles avant que les bons peuples s’en lassent. L’histoire nous démontre que les jeux ne sont pas une panacée éternelle. Qu’en est-il alors de jeux modernes?
Du pain et des jeux
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Le monde vit actuellement au rythme du Mondial de Football au Qatar. Pour le Canada, l’expérience n’a pas été très encourageante. Bien sûr, notre équipe s’est qualifiée pour la première fois depuis 1986 ce qui, en soit, est un accomplissement, mais disons que notre intérêt pour ces jeux diminue depuis jeudi dernier, jour de l’élimination de l’équipe canadienne.

Au-delà de notre intérêt national, ce genre de tournoi mondial continuera-t-il à mobiliser les foules? Malgré les nobles idéaux du baron de Coubertin, père des Jeux olympiques modernes, les couts et les controverses liés à ces jeux sont-ils annonciateurs de la fin?

En 1894-96, le pédagogue français Pierre de Coubertin proposait de relancer les Jeux de la Grèce antique afin, disait-il, de tisser des liens entre les nations. Il préconisera l’idéal olympique de paix et d’égalité entre les êtres humains. Mais déjà la controverse pointe son nez. 

Coubertin était un raciste et un fervent partisan de la colonisation. C’est ainsi que dès les IIIe Olympiades, les Jeux de Saint-Louis aux États-Unis en 1904, on assiste à des «journées anthropologiques» réservées «aux représentants des tribus sauvages et non civilisées». Sans parler des Jeux olympiques de Berlin en 1936 où les athlètes juifs ont été écartés. Une chance que l’Afro-Américain Jessie Owens — quatre médailles d’or —  était là pour faire un pied de nez à Hitler.

Ce racisme n’est plus de mise dans les jeux sportifs modernes, mais il a été remplacé par d’autres controverses. Que penser de l’attribution des Jeux olympiques en Russie et du Mondial de Football au Qatar, deux pays où l’homosexualité est bannie et punie? Que penser des Jeux olympiques en Chine où les athlètes, les journalistes et les spectateurs étaient soumis à des contrôles stricts?

On pourrait continuer dans cette veine en démontrant comment l’idéal de la participation avant tout a été supplanté par la victoire avant tout. Comment expliquer autrement le fléau du dopage?

Malgré toutes ces controverses, les jeux mondiaux survivent. Pourquoi? Parce qu’ils sont chapeautés par des organismes sportifs mondiaux plus intéressés par l’argent et par leur propre renommée que par le sport et le respect des droits humains. Parce qu’ils sont de plus en plus financés par des réseaux de télévisions qui ne visent que les yeux qui regardent et les commanditaires qui payent.

Le problème c’est que de moins en moins de téléspectateurs regardent ces Jeux. Est-ce que le bon peuple commence à se lasser de ces distractions?