Le Canada fait déjà partie des Five Eyes, le système d’échange de renseignements militaires entre ces trois pays ainsi que la Nouvelle-Zélande. Mais ni ce pays ni le Canada n’ont été invités à participer à AUKUS lors de sa formation l’an dernier. Plusieurs analystes expliquaient alors cette rebuffade par le fait que le Canada n’est pas au niveau en ce qui concerne la défense militaire. C’est vrai.
Il y avait aussi une possible autre raison. L’an dernier, le gouvernement canadien interprétait cette absence en disant que AUKUS était surtout une entente permettant la vente de sous-marins à propulsion nucléaire à l’Australie et que le Canada n’en a pas besoin. Ça aussi c’est vrai.
Comment alors interpréter le changement de cap du gouvernement qui cherche maintenant à faire partie d’AUKUS? C’est qu’il y a un deuxième pilier à cette entente, une composante qui vise surtout le partage de renseignements et la collaboration au développement de nouvelles technologies, comme la défense sous-marine, l’intelligence artificielle et la technologie quantique.
Le Canada est un leadeur mondial en ce qui concerne ces deux dernières technologies et pourrait certainement apporter ses connaissances aux autres membres de AUKUS. En contrepartie, il pourrait bénéficier des nouvelles avancées en défense sous-marine. Surtout en ce qui concerne l’Arctique.
Nous partageons avec la Russie le plus grand corridor maritime de l’Arctique et nous le défendons vraiment mal. Il faut bien sûr se méfier de la Russie qui devient de plus en plus belligérante — voir la guerre en Ukraine —, mais quand la Chine se met à affirmer qu’elle est un pays arctique, on a un problème. Les observateurs disent que la Chine y envoie régulièrement des sous-marins et nous n’avons aucun moyen de les surveiller.
En fait, nos alliés voient le Canada comme un «traineux» et un profiteur en ce qui concerne la défense militaire. Voisins de la plus grande puissance militaire du monde, les États-Unis, nous négligeons les questions de sécurité nationale. Alors que depuis 2014, l’OTAN demande à ses membres de consacrer 2 % de leur produit national à la défense, nous ne dépensons que 1,29 %.
Nos forces armées sont à court de plus de 10 000 soldats, marins et aviateurs; ça nous prend plus de 25 ans pour décider d’acheter de nouveaux avions de combat. Même si notre pays est entouré par trois océans, nous n’avons que quatre sous-marins — achetés d’occasion en 2018 et qui passent plus de temps en réparations qu’en mer; nous n’avons qu’une base militaire dans le Grand Nord, une autre sur l’ile de Baffin, planifiée depuis 2007, doit entrer en fonction en 2025. Disons qu’on n’est pas forts en termes de défense.
Il est à espérer qu’une éventuelle participation à AUKUS catalyserait une nouvelle vision de nos besoins en défense. Le Canada est un pays pacifique, mais n’oublions pas que la meilleure défense est un investissement.