Nous avons souligné les 50e du concert La Nuit sur l’étang et de la maison d’édition Prise de parole. Nous n’avons par contre pas crié très fort que Le Voyageur a eu 55 ans. En ces temps difficiles pour les médias traditionnels, il serait important de célébrer cette longévité. Parce que Le Voyageur est un des plus vieux et des plus importants journaux communautaires en milieu minoritaire.
Le Voyageur a été publié pour la première fois le mercredi 12 juin 1968. Ce n’était cependant pas le premier journal de langue française de la région. En 1924, l’imprimerie régionale de Sturgeon Falls publiait Le Nouvel Ontario, qui sera éventuellement transféré à Sudbury. Il fermera ses portes en 1935.
En 1942, Camille Lemieux fondait L’Ami du peuple et lui donnait une mission qui se résume ainsi : «Lutter contre les forces de l’anglicisation et assurer la survivance des Canadiens-Français en milieu minoritaire»1. Ce journal cessera d’être publié peu de temps après le décès de son fondateur en 1955. Le diocèse de Sault-Ste-Marie tentera alors de pallier ce manque en publiant L’information, mais ce journal paraitra sporadiquement et ne durera pas longtemps.
Ce sont alors des gens issus du milieu catholique, les paroisses, le conseil scolaire catholique, l’Université de Sudbury qui donneront l’élan nécessaire à la parution du Voyageur. Et le premier numéro reflète leur idéologie. La première page inclut un message de l’évêque auxiliaire de Sault-Ste-Marie, Mgr Roger Despatie, ainsi qu’une lettre pastorale de Mgr Alexandre Carter, évêque du diocèse de Sault-Ste-Marie. L’éditorial du nouveau journal se termine d’ailleurs par cette supplique : «Que le Seigneur lui vienne en aide!».
Au fil des ans, il faut bien avouer que plusieurs personnes sont venues en aide au Voyageur. Dans ses premières années, ce sont des dizaines de bénévoles, rédacteurs, vendeurs et responsables de la mise en page, qui l’ont soutenu à bout de bras. Certains commerçants y ont aussi cru et ont commencé à y faire de la publicité. Il faudra cependant attendre le début des années 1970 et la venue du Ppère Hector Bertrand s.j. pour que Le Voyageur se professionnalise.
Le père Bertrand a créé la société Hebdo Le Voyageur et a recruté plus d’une trentaine de personnes qui y ont investi. C’est ainsi que le journal a pu embaucher son premier journaliste à temps plein, François Lacombe. Le père Bertrand a aussi convaincu la Ville de Sudbury de publier en français dans Le Voyageur toutes les annonces et notices qu’elle ne plaçait alors qu’en anglais dans le Sudbury Star.
En 1998, le journal a été vendu à des intérêts privés, dont votre éditorialiste. Ce furent de belles années alors que nous avons augmenté la distribution du journal à quelque 12 000 abonnés. Sous une nouvelle direction depuis 2012, le journal a maintenant une plus grande distribution et couvre une vaste région, soit pratiquement tout le Nord-Est de l’Ontario et une petite partie du Nord-Ouest.
Malgré tous ces succès, la survie des journaux communautaires est aujourd’hui de plus en plus menacée. Ce qui maintient la parution du Voyageur c’est maintenant vous, nos fidèles lecteurs.
- Paul-François Sylvestre, Les journaux de l’Ontario français 1858-1983, Société historique du Nouvel-Ontario, 1984.