Un article de l’éminent journaliste Doug Saunders paru dans le Globe and Mail à la fin décembre 2023 devrait nous faire réfléchir sur l’avenir de la démocratie dans le monde. En cette année 2024, plus de la moitié de la population mondiale ira aux urnes. Certains diront que juste le fait que près de six-milliards de personnes puissent voter représente en soi un immense gain pour la démocratie. Mais Saunders nous rappelle que la vie en démocratie, c’est bien plus que des élections.
Cette année, il y aura des élections en Inde, en Indonésie, au Pakistan, en Russie, au Mexique, aux États-Unis, au Parlement européen et possiblement en Grande-Bretagne et au Canada. Juste en voyant certains pays dans cette liste, on comprend la menace à la démocratie. Bien sûr, ces pays tiennent des élections, mais quelqu’un croit-il vraiment que le scrutin russe sera «démocratique» après que Vladimir Poutine ait emprisonné ou tué la plupart de ses opposants? Quant à l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan et le Mexique, ils sont actuellement sous la férule de présidents élus qui, depuis leur accession au pouvoir, démontrent des penchants certains vers l’autocratie.
Selon Saunders, une vraie démocratie comprend, entre autres, une opposition robuste, une presse libre, des droits garantis pour tous les citoyens, incluant les femmes et les minorités, ainsi qu’un système judiciaire indépendant. Pas sûr que ce soit le cas dans plusieurs des pays mentionnés.
L’avenir de la démocratie mondiale est d’autant plus menacé que, depuis quelques années, plusieurs pays ont basculé vers la dictature. Aidés par la Russie, les militaires du Gabon, du Niger, du Burkina Faso, du Soudan, de la Guinée, du Chad et du Mali ont pris le pouvoir dans ces pays et n’ont pas trop envie de déclencher des élections. Et même s’ils le faisaient, l’histoire nous a maintes fois prouvé que des élections au bout d’un fusil sont rarement démocratiques.
Certains pourraient se dire qu’en Amérique du Nord, nous sommes à l’abri de cette dé-démocratisation qui déferle sur le monde. Détrompez-vous. Quand les sondages américains indiquent que Donald Trump, qui a menti des milliers de fois durant son mandat et après, mène la course, on doit craindre le pire. On doit craindre un homme qui est prêt à mettre en doute le système électoral parce qu’il a perdu. Et on devrait craindre le nombre important d’électeurs américains qui s’en fichent.
Et même au Canada, nous ne sommes pas à l’abri de l’autocratie. Quand un chef de parti qui mène actuellement dans les sondages appuie des manifestants qui bloquent le Parlement et qui, de leur propre aveu, veulent que la gouverneure générale abolisse le gouvernement, quand ce même chef menace de destituer le gouverneur d’une institution qui protège notre économie, la Banque du Canada, on devrait se poser des questions.
La démocratie c’est le droit du peuple de choisir librement ses dirigeants. C’est aussi tout un système d’institutions qui garantissent la liberté et l’égalité des citoyens. Mais c’est surtout une grande responsabilité qui nous incombe en tant qu’électeurs. Il est important de ne pas succomber au chant des sirènes.