L’ébauche de la nouvelle politique a finalement été présentée lors de la réunion du conseil municipal du 16 janvier. Même si elle contient des avancées intéressantes, elle ne permettra pas aux francophones de la région de reprendre le terrain perdu depuis la création du Grand Sudbury. Encore moins de faire un premier pas vers le bilinguisme municipal.
Notons d’abord que la politique contient des nouveautés intéressantes. Elle mentionne entre autres explicitement la tenue de campagnes de sensibilisation sur la disponibilité des services, la recherche constante d’amélioration à travers plusieurs processus, de tenir compte des besoins des nouveaux arrivants, l’offre de formation en français pour tous les employés, la poursuite des levers annuels du drapeau franco-ontarien et l’identification des nouveaux postes qui demande le bilinguisme selon un outil du Commissariat aux langues officielles.
Selon la directrice des communications et de l’engagement communautaire, Marie Litalien, la nouvelle mouture donne plus de flexibilité à l’administration municipale d’évaluer plus régulièrement les services et de les modifier selon les besoins.
Cependant, l’historien Serge Dupuis nous rappelait en septembre, dans son rapport Progrès, résistances et opportunités : le bilinguisme municipal dans le Grand Sudbury (1973~2023), que le français a reculé dans le Grand Sudbury depuis la fusion municipale de 2001. Pourquoi? Parce que nous avons seulement un règlement sur les services en français, non pas un outil de promotion de la langue française.
«L’approche minimaliste des dirigeants immigrant aux services en français, ainsi que le manque d’investissement de la communauté franco-sudburoise pour raffiner le bilinguisme municipal, ont contribué à creuser l’inégalité entre l’anglais et le français», peut-on lire dans le résumé du document.
Les suppressions de postes à l’Université Laurentienne ont fait très mal à la communauté franco-sudburoise. Ça se voit à l’œil nu quand on fréquente des évènements culturels. En tant que l’un des plus importants employeurs, la Ville peut et doit avoir un rôle à jouer pour renverser la tendance à la baisse engendrée par ce nettoyage à vide de l’université.
Offrir des services en français n’est jamais suffisant. Ça contribue très peu à la vitalité et à la valorisation de la langue. Sans outils plus musclés pour promouvoir Sudbury comme un lieu où nous pouvons vivre et travailler en français, les évaluations routinières ne feront que révéler que les services sont de moins en moins utilisés.
Pour que le français et l’anglais soient vus sur un pied d’égalité dans le Grand Sudbury, ils doivent l’être dans l’appareil municipal. Le rapport de M. Dupuis, financé par l’ACFO du grand Sudbury, recommande des chefs de département bilingue et de trouver des façons de permettre à des équipes de travailler en français — une idée inspirée par l’expérience de Moncton, ville officiellement bilingue.
L’ébauche du nouveau règlement parle seulement d’«espaces dans lesquels les employés francophones peuvent entretenir des rapports». On prend parfois la peine de rappeler que Sudbury est anglophone en premier : «Il est vrai que certains emplois au sein de la municipalité exigent une maitrise du français ou le bilinguisme, mais ce n’est pas le cas pour la majorité des emplois.»
Ce qu’il faut parvenir à changer, c’est l’impression chez les anglophones — et même chez certains francophones — que les services en français ne sont qu’une obligation, qu’un service que l’on rend à des «chialeux». Non. C’est tout simplement comme ça que notre pays et notre municipalité doivent fonctionner, parce que comprendre les impôts fonciers ou les règlements municipaux dans votre deuxième langue, ce n’est pas toujours possible.
Serge Dupuis a bien décrit la position du français dans l’appareil municipal lorsqu’il a présenté son rapport devant les conseillers. Il l’a présenté en anglais, même s’il avait le droit de le présenter en français. Parce qu’il a «le droit de présenter en français, mais pas d’être compris», puisqu’il n’y a pas de traduction simultanée pour les conseillers anglophones et le personnel.
Nous admettons que l’ébauche du nouveau règlement fait quelques pas dans la bonne direction, mais il faut y aller au pas de course. Avant 2001, on pouvait entendre parler français dans les administrations de Rayside-Balfour et de Vallée Est, nous rappelait le rapport de M. Dupuis. Ce n’est pas le cas au Tom Davies Square.
Heureusement, le processus en est à l’étape de la consultation publique et les commentaires permettront de préciser le règlement. Vous pouvez le consulter et la commenter sur le site https://atoilaparole.grandsudbury.ca jusqu’au 16 février.
Pour avoir des idées sur ce que vous pouvez suggérer comme améliorations, vous pouvez lire un résumé des recommandations du rapport de l’ACFO dans notre article : https://levoyageur.ca/actualites/francophonie/2023/09/25/un-bilinguisme-historiquement-sans-mordant-dans-le-grand-sudbury/.