le Lundi 16 septembre 2024
le Mercredi 5 juin 2024 11:00 Éditorial

L’Inde et le Canada

Justin Trudeau et Narendra Modi, à New Delhi, le 10 septembre 2023.  — Sean Kilpatrick, La Presse canadienne
Justin Trudeau et Narendra Modi, à New Delhi, le 10 septembre 2023.
Sean Kilpatrick, La Presse canadienne
Après 44 jours d’un scrutin en sept étapes, les élections en Inde se sont terminées la semaine dernière. Au moment d’écrire ces lignes, les résultats du vote ne sont pas encore connus, mais si on se fie aux sondages et aux analystes, le Premier ministre Narendra Modi et son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), en français, le Parti du Peuple indien, seront probablement réélus. Les 969 millions d’électeurs indiens auront ainsi donné à Modi un troisième mandat de cinq ans à la tête du pays le plus peuplé du monde. Ce n’est pas un bon résultat pour le Canada.
L’Inde et le Canada
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Le règne de Narendra Modi a été marqué par deux constantes. La première, c’est la réussite du pari économique qu’il avait promis lors de sa première élection en 2014. Ses politiques pro-business ont catapulté l’Inde au rang de cinquième économie mondiale. C’est évidemment un immense succès. Mais c’est la deuxième constante qui est le plus problématique.

Modi est issu de la mouvance du nationalisme hindou, un mouvement qui préconise la supériorité de la religion hindoue. Depuis son accession au pouvoir, Modi a fouetté ce nationalisme en fustigeant les minorités religieuses de l’Inde, notamment les musulmans et les sikhs. Pendant la campagne électorale, il a haussé le ton. En réponse au Canada et aux États-Unis qui ont accusé son régime d’avoir joué un rôle dans des tentatives d’assassinats et des assassinats de citoyens sikhs canadiens ou américains, il en a rajouté une couche. Lors d’un discours électoral, il a affirmé que l’Inde allait poursuivre ses ennemis jusque dans leurs maisons. Même si leurs maisons sont dans un autre pays. Cela s’appelle un meurtre extraterritorial. 

On se souviendra que c’est exactement ce dont l’agence de sécurité canadienne et le Premier ministre Justin Trudeau ont accusé le gouvernement Modi après le meurtre du Canadien Hardeep Singh Nijjar, un séparatiste sikh qui militait pour la création d’un état indépendant, le Khalistan. Depuis, les relations indo-canadiennes sont au plus bas.

Les élections indiennes ont aussi un impact sur la diaspora indo-canadienne. La plupart des Canadiens d’origine indienne n’ont pas le droit de vote en Inde s’ils ont aussi acquis la nationalité canadienne. Pour ceux qui sont ici temporairement comme les étudiants ou les travailleurs temporaires, la loi électorale indienne les oblige à se rendre en Inde pour voter en personne. Peu peuvent se permettre un vol de plus de 12 heures à plus de 2 000 $.

Cela ne veut cependant pas dire que les diasporas mondiales ne sont pas engagées dans le scrutin. Le 30 mai dernier, le New York Times rapportait que les 5 millions d’Indiens vivant aux États-Unis ont tenu des rallyes pro-Modi dans plusieurs grandes villes incluant New York et Washington. Un récent documentaire français faisait état de bagarres entre supporteurs de différents partis dans la vaste diaspora indo-britannique. 

Tout ceci indique que les résultats de l’élection indienne qui seront connus cette semaine auront une influence sur le monde. Les pays industrialisés continueront de courtiser l’Inde afin de contrer l’influence économique de la Chine et le Premier ministre présumé, Narendra Modi, poursuivra ses politiques discriminatoires et continuera de s’en prendre aux autres démocraties. Des relations tendues en perspective.