le Mardi 15 octobre 2024
le Mercredi 12 juin 2024 11:00 Éditorial

Le gros bon sens

Pierre Poilièvre.  — PHOTO : INÈS LOMBARDO - FRANCOPRESSE
Pierre Poilièvre.
PHOTO : INÈS LOMBARDO - FRANCOPRESSE
Le gros bon sens, Common Sense, c’est le nouveau slogan utilisé par Pierre Poilièvre et ses Conservateurs pour décrire leurs idées pour le Canada. Remarquez que, jusqu’à présent, ce ne sont que des idées. Le chef conservateur n’a pas encore présenté les politiques qu’il promulguerait s’il est élu au poste de Premier ministre. Le gros bon sens a même fini par remplacer Axe the Tax qui avait pourtant le chic de rimer … en anglais!
Le gros bon sens
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Il est évident que le parti conservateur espère agrandir sa base électorale avec un slogan qui vise plus qu’une taxe. Après tout, le gros bon sens est une terminologie que tout le monde connait et qui englobe tout. 

Il y a pourtant un gros pari lié à ce slogan. Les Conservateurs doivent absolument gagner une part importante de l’électorat de l’Ontario s’ils veulent former un gouvernement. Leur pari, c’est que l’électorat ontarien a oublié les effets dévastateurs de la Révolution du bon sens du Premier ministre ontarien Mike Harris.  

Avant l’élection de 1995, le chef conservateur ontarien, Mike Harris, publiait un document de campagne intitulé «La Révolution du bon sens, Common Sense Revolution». Les conservateurs y promettaient de réduire la taxe provinciale et d’assainir les finances publiques en réduisant la taille et le rôle des gouvernements. Ça ressemble d’ailleurs aux prononcements actuels des conservateurs fédéraux.

Le problème avec ce pari, c’est que la Révolution du bon sens de Harris a effectivement réussi à équilibrer le budget de l’Ontario en 1999, mais au prix de coupures drastiques dans les services gouvernementaux qui ont affecté des millions d’Ontariens.

Sous les deux mandats du gouvernement Harris, l’Ontario a subi d’importantes réductions : coupures importantes des prestations de bienêtre social qui ont poussé certains citoyens défavorisés au désespoir; des coupes massives en éducation qui ont causé les plus longues grèves d’enseignants de mémoire d’éditorialiste; la privatisation d’une partie d’Hydro-Ontario; la dérèglementation et la privatisation du système de résidences pour ainés (privatisation qui enrichit maintenant Mike Harris en tant que président de la chaine Chartwell); transfert de responsabilités aux municipalités sans augmentation de budget (certains affirment même que c’est ce qui a causé en l’an 2000 la contamination de l’eau potable à Walkerton où sept personnes sont décédées et 2 300 autres ont été gravement malades).

On pourrait continuer à décrire les problèmes causés par la Révolution du bon sens, qu’il nous suffise de dire qu’elle n’a pas été tranquille. Et qu’en 2002, les Ontariens ont défait le gouvernement Harris en élisant pour la première fois un gouvernement Néo-démocrate. Ce revirement de 180 degrés démontre bien le ras-le-bol de l’électorat.

Tout ceci ne veut cependant pas dire que Poilièvre et les Conservateurs ne gagneront pas leur pari du gros bon sens. La plupart des électeurs fédéraux vivent dans d’autres provinces et territoires et même en Ontario, la plupart des moins de 40 ans ne se souviennent probablement pas du chambardement des années ’90. Et les sondages semblent indiquer que ce sont ces électeurs qui penchent vers le parti conservateur.