D’abord la première ministre de l’Alberta, Mme Danielle Smith, a rendu visite au président-élu des États-Unis, Donald Trump, à son palais floridien, Mar-a-Lago. Pour récompense, elle a reçu une invitation à participer à son inauguration lundi. Mme Smith a ensuite refusé de participer en personne à la rencontre du premier ministre Justin Trudeau et de ses collègues provinciaux dans le but de définir une position commune vis-à-vis des menaces d’imposition de tarifs douaniers sur tout produit canadien exporté aux États-Unis proférées par Trump. Et enfin elle a refusé de signer la déclaration unanime des chefs provinciaux émise à la suite de cette rencontre.
M. Poilievre a aussi pris du temps à répondre, contrairement aux autres leaders des partis politiques fédéraux et provinciaux, à la suggestion de Trump de faire du Canada le 51e État américain. Sa réponse a pu être la même que celle des autres leaders, soit que le Canada n’est pas à vendre, mais elle a été jugée trop tardive et trop timide comparativement à celle de Doug Ford, premier ministre progressiste-conservateur de l’Ontario, par exemple. Ce dernier, qui a même pris l’habitude de porter une casquette avec l’emblème Canada is not for sale, est d’ailleurs étiqueté de «Capitaine Canada» pour sa position sans équivoque aux menaces du président américain.
Comme si ces ennuis n’étaient pas suffisants, des sondages de la maison Léger et d’Angus Reid ont révélé que 25 % des répondantes et des répondants au sondage qui s’identifient comme conservateurs sont favorables à ce que le Canada devienne le 51e État américain.
Donc, M. Poilievre, qui depuis plusieurs mois peut compter sur une avance très confortable sur les libéraux et les autres partis politiques fédéraux dans l’éventualité d’une prochaine élection fédérale, se trouve bien coincé. S’il défend avec autant d’ardeur que MM. Trudeau et Ford, une position unifiée face aux menaces de Trump, il risque de s’aliéner non seulement Mme Smith et par surcroît les électeurs albertains (dont 18 %, selon le sondage d’Angus Reid, appuient l’idée de devenir un État américain), mais aussi les 25 % des conservateurs canadiens qui jugent aussi cette idée d’un bon œil. Et de l’autre côté, s’il n’adopte pas une position forte en défense du Canada, il risque de voir son avance dans les sondages s’affaiblir considérablement.
Donc, oui, M. Poilievre, qui pensait voguer allègrement vers une victoire certaine au prochain scrutin fédéral, se retrouve effectivement sur la sellette. La façon dont il répondra à ce dilemme constitue l’un des premiers défis de taille qu’il doit affronter, face à l’électorat canadien, depuis son ascension à la chefferie du Parti conservateur du Canada.