le Lundi 16 septembre 2024
le Vendredi 21 octobre 2022 16:35 Économie et finances

L’entreprise francophone en contexte minoritaire : une valeur ajoutée malgré la crise

  Photo Campaing Creators – Unsplash
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Le Canada compte plus de 53 000 entreprises dont au moins 50% des propriétaires sont de langue maternelle française. Elles représentent 2,8 % de toutes les entreprises au pays. Malgré cette faible proportion, les acteurs du milieu économique soutiennent que le secteur est en santé.
L’entreprise francophone en contexte minoritaire : une valeur ajoutée malgré la crise
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Pour François Vincent, dans un contexte nord-américain, l’entrepreneuriat francophone en milieu minoritaire représente une vraie valeur ajoutée. «Elles ont à la fois accès au marché anglophone et à celui de la francophonie et, par ricochet, à l’Europe», commente le vice-président Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). «La force de notre économie, c’est que ce sont les petites entreprises qui génèrent la majorité des emplois.»

Selon les données de Statistique Canada, la grande majorité (87,6 %) des entreprises des minorités de langue officielle (MLO) comptent moins de cinq employés, ou aucun.

Bien évidemment, l’utilisation du français va dépendre du secteur de l’entreprise et de sa localisation. Certaines filières vont davantage se tourner vers l’anglais. 

«Dans le commerce de gros, les propositions d’affaires vont se faire en anglais. Tandis que pour une prestation de service, il faut être capable de servir le client dans les deux langues», note François Vincent. Aussi, un commerce francophone en Ontario n’aura pas forcément les mêmes enjeux que son homologue en Alberta. Les réalités diffèrent selon les provinces.

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François Vincent est le vice-président Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) 

Photo : Courtoisie FCEI

Des réseaux indispensables

Pour favoriser l’essor de cet entrepreneuriat, reste à en limiter les obstacles. «Il faut aider les entrepreneurs francophones avec la pénurie de main-d’œuvre, les aider à confronter l’inflation, réduire le fardeau administratif et règlementaire, énumère François Vincent. Si on veut permettre à ces entreprises d’accéder à d’autres marchés, il faut être capable d’améliorer l’accès et l’utilisation des programmes gouvernementaux.» 

Sur le terrain, un grand nombre d’organisations apportent leur soutien à ces nouveaux acteurs économiques, au niveau local comme provincial. Non seulement pour trouver des interlocuteurs, mais également de l’aide administrative et en ressources humaines. 

À Vancouver, Frédérique Niel, conseillère aux entreprises à la Société de développement économique de la Colombie-Britannique (SDECB), fait partie intégrante de ce réseau d’aide : «On est plus rassuré d’avoir quelqu’un avec qui on peut parler en français de notre projet.» Mais selon elle, les problématiques restent les mêmes qu’on veuille monter son entreprise en milieu minoritaire ou pas, à savoir si l’entreprise est viable, s’il y a une demande, etc.

Néanmoins, les nouveaux arrivants représentent un réel atout, notamment grâce à leur parcours de vie. «Ils ont déjà eu ce projet-là de déménager, cela demande des compétences, comme créer une entreprise : avoir un projet, prendre des risques, y aller. Ces qualités, qu’on retrouve chez les gens qui décident de se déraciner, sont applicables dans l’entrepreneuriat.»

Frédérique Niel est conseillère aux entreprises à la Société de développement économique de la Colombie-Britannique (SDECB) 

Photo : Gaëtan Nerincx

Sur place, le fait d’être une minorité peut également s’avérer un atout : «On a tendance à se serrer les coudes. Ici, en Colombie-Britannique, les francophones ne se regroupent pas nécessairement, à l’inverse d’autres communautés. Ils sont éparpillés un peu partout, mais ils existent. Quand je reçois des clients, je leur dis toujours que le sport national n’est pas le hockey, c’est le réseautage. C’est important de côtoyer les autres francophones qui sont là depuis longtemps, qui ont développé un réseau avec des anglophones. Au sein d’une petite communauté, la communication est facilitée.» 

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Une économie dynamique?

Frédérique Niel l’affirme : «Il y a un engouement pour l’entrepreneuriat en général surtout parmi les jeunes.» 

Un constat en partie partagé par la Société Économique de l’Ontario (SÉO) qui aide les entrepreneurs ou futurs entrepreneurs en leur offrant un accompagnement personnalisé. Il y a un an, l’organisme a inauguré un incubateur virtuel francophone, un programme de 14 semaines pour celle et ceux qui veulent lancer leur affaire.

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Le Voyageur offre une vue d’ensemble de la francophonie et de la vie dans le Nord-Est de l’Ontario.

Patrick Cloutier est directeur général de la Société Économique de l’Ontario (SÉO) 

Photo : Courtoisie SÉO

Jusqu’à présent, 109 personnes ont rejoint le projet. Preuve que, pour son directeur général Patrick Cloutier, l’économie francophone se porte bien. «Il y a une demande énorme et croissante pour les services francophones. En moins d’un an, plus de 3400 personnes ont participé à nos divers ateliers, évènements de réseautage, séances de coaching de groupe et autres activités.» Du moins en Ontario, où l’on trouve un «écosystème francophone et bilingue». 

«Il est essentiel d’être en mesure de faire des affaires en anglais. Les entreprises ne peuvent certainement pas fonctionner uniquement en français, estime Patrick Cloutier. Cependant, il est extrêmement important qu’elles démontrent qu’elles offrent, entre autres, des services et des ressources en français.»

Cependant, l’écosystème global reste fragile. Comme le rappelle François Vincent, l’indice du Baromètre des affaires mensuel de la FCEI à court terme, basé sur les attentes des PME sur trois mois en matière de performance, a reculé de près d’un demi-point (49,5) par rapport au mois d’aout. Un chiffre qui traduit selon lui la pression que subissent les PME, confrontées à de nombreux défis, en particulier l’inflation et les pénuries de main-d’œuvre.

«Avec deux ans et demi de pandémie, la fatigue s’est installée chez les dirigeants d’entreprise qui sont passés au travers.»