«Dans les clubs d’âge d’or [et les organismes] qui ont surtout des ainés qui sont bénévoles pour le bar, ça ne marche pas pantoute», confirme la députée provinciale de Nickel Belt, France Gélinas, qui a contacté Smart Serve Ontario au sujet du problème.
La certification Smart Serve est obligatoire pour servir de l’alcool. Le test se fait maintenant par appel vidéo au lieu d’un test écrit. Il faut constamment regarder la caméra pendant toute l’heure que dure le test. Une action aussi simple que de flatter son chien ou d’avoir besoin d’aller à la toilette peut entrainer un échec, dit-elle.
«Il y a des gens qui ont 75 ans, qui sont très actifs dans leur bénévolat, mais qui n’ont jamais eu rien à faire avec un ordinateur. D’autres connaissent les ordinateurs un petit peu, mais n’ont pas d’internet à la maison parce que, dans Nickel Belt, l’internet c’est 150 $ par mois», explique Mme Gélinas. Des défis de santé peuvent aussi empêcher quelqu’un de rester devant un ordinateur pendant une heure.
Cette intransigeance est une des critiques du responsable du bar au Club Accueil ge d’Or d’Azilda, Clément Ricard. Un de ses bénévoles qui a fait l’examen en ligne a eu des problèmes lorsque son épouse est entrée dans la pièce pour prendre quelque chose. Ce n’est simplement pas adapté pour eux.
Une bonne solution au mauvais moment
Ce défi découle d’un changement à la loi provinciale fait en 2021. Jusque là, une certification Smart Serve était valide à vie. La certification devra dorénavant être renouvelée tous les cinq ans.
«Ils ont ajouté de l’information non seulement pour la vente d’alcool et de cannabis, mais aussi par rapport à la traite des personnes, à l’abus des femmes… Du nouveau matériel que tous ceux qui servent de l’alcool doivent maintenant savoir», explique la députée Gélinas. Le renouvèlement assure aussi que si autre chose est ajouté, les serveurs l’apprendront éventuellement.
Le renouvèlement doit être fait au plus tard en juin. Dans les cas de plusieurs clubs d’âge d’or, tous leurs bénévoles doivent le faire.
Même avant la pandémie, la demande pour des cours en personne et les examens écrits étaient en déclin, explique par écrit le directeur général de Smart Serve Ontario, Richard Anderson.
Rappelons qu’avant cette nouvelle exigence de renouvèlement, les personnes qui auraient majoritairement demandé un test écrit étaient — sous toute réserve — déjà certifiées à vie et n’avaient pas besoin de demander le cours ou le test écrit.
L’autre avantage de la formation et du test en ligne, dit M. Anderson, est la rapidité. Alors que le certificat électronique est reçu dans la même journée, il fallait auparavant attendre trois semaines entre le test et la réception du certificat. Le nouveau processus assure également une plus grande intégrité et assurance de sécurité, soutient-il.
Mme Gélinas concède que les outils mis en ligne par Smart Serve Ontario fonctionnement pour 95 % des utilisateurs. Particulièrement pour les jeunes qui veulent travailler dans un bar. «Ça prend une couple d’heures, ils font ça n’importe quand.»
Mais pour plusieurs ainés, faire un test à l’ordinateur est stressant. Certains gèlent devant l’écran, affirme Clément Ricard. Dans son cas, seulement quatre de ses vingt-cinq bénévoles acceptent d’essayer de faire l’examen en ligne.
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Des salles en péril
Pour plusieurs clubs et organismes, la vente d’alcool — lors de leurs propres évènements ou lorsqu’ils louent leur salle pour des fêtes et des réceptions de toutes sortes — est l’une de leurs plus grandes sources de revenus. Par exemple, Clément Ricard indique que le bar a rapporté 3500 $ au Club Accueil à Azilda en janvier seulement. Ces revenus sont utilisés pour l’entretien de l’édifice et d’autres dépenses courantes.
Si moins de bénévoles sont disponibles pour travailler, ils ne pourront pas ouvrir leur bar aussi souvent. «Me vois-tu en juillet avec quatre personnes?», lance M. Ricard. «Le monde va lâcher. Là, ça veut dire fermer le bar, on ne pourra plus louer nos salles…»
Le responsable du bar du club de curling d’Onaping Falls, en banlieue de Sudbury, fait face à un défi similaire, alors que seulement cinq de ses quatre-vingts membres n’ont pas besoin de refaire leur certification tout de suite. Pour le club aussi le bar est l’une des plus importantes sources de revenus. «La fin de semaine, le bonspiel, c’est là que rentrent les gros montants», dit Daniel Messier.
La présidente du Club Amical du Nouveau Sudbury, Céline Paulin, rappelle que beaucoup de personnes âgées «pourraient être considérées comme des analphabètes en technologie». «Nos membres qui ont le Smart Serve sont des personnes âgées qui investissent généralement de leur temps et travaillent bénévolement au bar […]. Ce sont des gens essentiels à notre club et, malheureusement, ils ne se sentent pas capables de faire un cours en ligne.»
Au Centre Club d’ ge d’Or de la Vallée, la moyenne d’âge des bénévoles du bar est de 76 ans. Sans bénévoles, impossible de louer la salle, qui est une des deux salles du genre à Hanmer. «Engager un bartender ne serait pas à notre avantage», car le salaire diminuerait trop les revenus, confie la présidente, Jeannine Blais.
«Il y a des clubs qui vont fermer leur bar et, quelques mois après, ils vont fermer les portes; parce que sans les revenus de bars, il n’y en a pas un d’eux autres qui sont capables de garder les portes ouvertes», renchérit France Gélinas.
Retour en arrière impossible
France Gélinas dit que le ministère du Procureur général et Smart Serve Ontario sont ouverts à discuter du problème. «Tout ce que l’on demande, c’est qu’ils puissent faire leur test par écrit», dit-elle. Tous les responsables à qui nous avons parlé font échos à cette demande.
Cependant, Richard Anderson indique que le retour du test écrit est impossible. «Notre système est maintenant entièrement automatisé, ce qui ne permet pas de test écrit à la main. Smart Serve à pris une décision similaire aux autres tendances dans les gouvernements et en éducation.»
M. Anderson souligne qu’il y a déjà des accommodations disponibles qui semblent fonctionner pour beaucoup de personnes peu habituées à des tests en ligne. D’autres reçoivent de l’aide de famille ou d’amis. Il y a un formulaire sur le site web qui permet de demander des accommodements pendant le test.
La députée Gélinas a reçu la même réponse. «Ils sont prêts à venir à Sudbury, en anglais, en français. De donner la formation, de superviser, d’amener des ordinateurs… Ils sont prêts à faire toute sorte de choses, ben du travail, mais ils ne veulent absolument pas imprimer le test pour qu’une personne de 80 ans puisse le lire sur papier.»
Les solutions
La solution considérée pour la région est la formation et de la supervision du test en personne au Collège Boréal. «Comme ça, même s’ils ne regardent pas leur écran tout le temps, même s’ils ont besoin d’aller à la salle de bain», la personne sur place peut les appuyer et accepter ce genre de particularités.
Smart Serve Ontario a aussi une entente avec Contact Nord pour fournir des ordinateurs et une connexion internet pour ceux qui n’en ont pas. La Légion royale canadienne, filiale 173 de Hearst, a d’ailleurs profité de cette solution, mais l’expérience n’a plu à personne.
«J’ai seulement deux personnes qui ont essayé de le faire et un a complètement lâché», dit la présidente sortante de la Légion de Hearst, Manon Longval. De ce qu’elle a vu, le site n’est pas convivial pour des gens peu habitués. «Le monde perd patience, on n’est pas capable d’avoir accès tout le temps, ça ne marche pas à moitié… Je n’ai rien de positif à dire sur ce cours-là.»
À Hearst, Mme Longval signale que la Légion pourrait prêter sa salle pour offrir les cours et les examens sur place.
Prochaine étape : l’examen en français
Smart Serve Ontario offre tous ses services dans les deux langues officielles. Sauf que Clément Ricard déconseille de faire le test en français.
«C’est mal traduit», affirme-t-il. Il raconte que l’une de leurs membres, ancienne enseignante, tenait absolument à le faire en français. Elle l’a échoué deux fois. La troisième fois, elle l’a fait en anglais et a réussi. «Elle disait que la façon dont c’était écrit en français, ça ne faisait pas de sens. Ils utilisent des termes que je n’utiliserai jamais dans ma vie.»
France Gélinas est au courant de cet autre défi. «C’est ce qu’on me dit : que le test en français est pourri, lance-t-elle. On travaille là-dessus en même temps», mais la priorité reste l’appui à la recertification.